Mardi, l'humoriste Stéphane Guillon a tourné en ridicule, avec une violence et une efficacité rares, le ministre de l'immigration. Eric Besson était, quelques instants plus tard, l'invité de Nicolas Demorand. En quelques semaines de surexposition médiatique, Eric Besson est devenu un épouvantail que l'on n'écoute plus, le symbole d'une droite recomplexée.
Eric BESSON est maltraité. Lundi, l’UMP est venue à sa défense, en la personne de Xavier Bertrand, son secrétaire général, qui a fustigé les « insultes » soit-disantes proférées par des responsables socialistes à son égard.
La guerre verbale entre l’UMP et le Parti Socialiste sur le sort à réserver aux travailleurs sans-papiers en grève est tristement cocasse. Nicolas Sarkozy a crié mardi son hostilité contre toute « régularisation globale ceux qui n'ont pas de papiers», une proposition qu’il est seul à avoir entendu. Eric Besson, mercredi sur France Inter, a dénoncé le comportement «irresponsable » de Martine Aubry qui, la veille, avait demandé une régularisation « large » des sans-papier. Mais la première secrétaire avait assorti sa position d’une réserve : les régularisations devraient se faire au cas par cas, sur dossier. Des deux côtés, l’hypocrisie est manifeste. On s’insulte et s’insurge, alors que les positions ne sont pas, sur ce sujet précis, si éloignées que cela.
Mercredi, Eric Besson a été violemment interpelé, d’abord avec humour par Stéphane Guillon, puis avec gravité par le journaliste Bernard Guetta, sur ses récentes prises de positions contre les « mariages gris ». Le ministre avait sorti ce nouveau gadget il y a quelques jours, ces «escroquerie sentimentale à but migratoire» selon ses termes: des hommes immigrés sans papier séduisent de jeunes françaises (« les femmes en sont souvent les victimes » expliquait Eric Besson). Bernard Guetta lui a posé l’une des seules questions qui vaillent : « comment un gouvernement peut-il juger de la sincérité d’un mariage ? » Nicolas Demorand a renchérit : avez-vous des chiffres ? Non. Aucun. Pure fantasme sécuritaire d’un ministre qui veut débusquer le clandestin sournois jusque dans les lits… Le Syndicat de la Magisture avait déjà dénoncé ces déclarations du sinistre Besson « laissant entendre que l’échec du couple repose nécessairement sur l’intention malveillante du conjoint étranger».
Eric Besson voulair aussi se féliciter du "succès" du débat sur l'identité nationale: pensez-vous, sur 25 millions de ménages français, 35 000 contributions ont été "postées" sur le site créé à cet effet. Pour atteindre ce chiffre, il a fallu mobiliser jusqu'au président lui-même. Et, à chaque interview politique de n'importe quel responsable UMP, la même question revient: "mais pourquoi donc en parler maintenant si ce n'est à cause de la proximité des élections régionales ?". Eric Besson ne se sort pas de ce "débat sur le débat". Un sondage révèle l'absence de clivage sur l'identité nationale: liberté, égalité, fraternité, laïcité, langue française, les Français interrogés répondent massivement par des évidences qui ne suscitent aucun débat, aucun questionnement. Pire, les questions suggérées par Eric Besson aux préfets et sous-préfets, qui organisent à compter de cette semaine les premières réunions "locales" avec les "forces vives" de la nation, suscitent la polémique, tant les fantasmes du ministre surgissent ça et là.
Quelques 5 400 travailleurs clandestins sont en grève, selon la CGT. Le 1er mars prochain, se profile une « journée sans immigré », où un collectif appelle les immigrés en France, légaux ou pas, à cesser toute activité (travail et consommation). Mercredi, Besson a annoncé la publication d’une circulaire à destination des préfets qui définit les critères pour « exceptionnellement » régulariser le séjour des salariés étrangers. Sur 5 400 grévistes, seuls un millier environ seraient régularisables selon les services du ministère de l’identité nationale : «l'estimation de mes services - elle est aléatoire car, par définition, c'est du cas par cas - c'est que cela pourrait être un millier de personnes». Effectivement, on pourrait croire que le ministre a défini ces critères, non pas en fonction de leur justesse intrinsèque, mais en fonction de l’affichage final escompté par le ministre – pas plus d’un millier d’admissions : «Les critères précis peuvent être l'ancienneté du séjour en France, qui doit être au moins égale à cinq ans, il faut exercer un métier dit en tension, soit dans le métier, soit dans la zone géographique (...) l'ancienneté dans l'entreprise qui doit être égale ou supérieur à 12 mois, la nature de la promesse d'embauche qui doit être supérieure à 12 mois, l'intégration du demandeur». En d’autres termes, un clandestin qui accumule depuis des années des petits boulots précaires, même déclarés et soumis à cotisations et impôts, sera donc exclu de ces mesures de « clémence ». Un responsable CGT a justement fait remarquer que «cela signifie que le gouvernement a pris l'option de maintenir des travailleurs sans droit pendant cinq ans et qu'il accepte que les patrons, comme Bouygues, Veolia, les restaurants Costes, KFC, Suez, il faudrait les citer tous, puissent par le jeu de la sous-traitance et de l'intérim, avoir des salaries sans droit pendant cinq ans». Eric Besson parle d'approche "humanitaire". Vraiment ?
Un Arménien, papa de deux enfants mais clandestin, a été expulsé manu militari, bâillonné et menotté, mercredi 18 novembre au matin, rapportait RESF hier. Un égyptien, clandestin également, vivant en France depuis 1998, avec femme et enfants (âgés de 2, 4 et 5 ans), a été interpellé et mis en rétention le 13 novembre dernier. Cet égyptien est devenu clandestin, quand le renouvellement de ses papiers lui a été refusé. Son expulsion est prévue dimanche 29 novembre.
Coïncidence des dates, le film WELCOME de Philippe Lioret, qui avait alimenté la polémique, en février dernier, sur le délit de solidarité, a été récompensé du prix LUX du Parlement européen mercredi 25 novembre. Il va bénéficier d’une bourse de 87 000 euros afin d’être sous-titrer dans les 23 langues officielles de l’Union Européenne. Une façon de montrer dans l’Europe entière les ravages de la politique du chiffre en vigueur en Sarkofrance.
Depuis des mois, la droite est recomplexée en Sarkofrance: l'emploi s'effondre, la gestion budgétaire est désastreuse, les polémiques éthiques ruinent son crédit, les annonces multiples mais sans lendemain impatientent l'électorat. Mercredi, le Canard Enchaîné révélait ainsi qu'une mésanventure du fiston d'Eric Woerth avait coûté sa carrière à un douanier en faction. ce dernier, absent de son poste quand le fils du ministre revenait de soirée, a été sanctionné pour "atteinte à la réputation de la fonction publique". Lundi puis mardi, Nicolas Sarkozy parlait dans le vide, avare de propositions faute d'idées et de résultats, devant les cadres d'un pôle emploi engorgé puis en banlieue, sur le thème de l'insécurité.
Confondre l'annonce avec l'action, l'anecdote avec la réalité, voici deux travers de Sarkofrance que Eric Besson peine à dépasser. Sarko-mimétique, le ministre est devenu un symbole, celui de l'échec au pouvoir.
Le mariage gris d'Eric Besson
par franceinter