Communiqué du CDIUFM

Publié le 25 novembre 2009 par Julie Pascau

Voici le texte des présidents des IUFM concernant le projet du gouvernement de masters. Vous pouvez le diffuser le plus largement possible pour expliquer aux gens en quoi cette réforme est absurde telle qu'elle est. On a tellement dit depuis 10 ans que les IUFM ne servaient à rien dans la presse, que voilà nous y sommes. Le gouvernement veut tout supprimer, au lieu de réformer... Certes les IUFM n'étaient pas parfaits, mais ils formaient des enseignants compétents et responsables. Demain, ce seront des étudiants qui prendront les classes, sans aucune formation. Est-ce cela que l'on veut en France?

Communiqué de presse

Mercredi 18 novembre 2009

Une parodie de concertation pour tenter de justifier de très mauvaises propositions

Après avoir pris connaissance des annonces faites aux organisations syndicales le vendredi 13 novembre,

le bureau de la CDIUFM affirme sa consternation face aux propositions des deux ministres en charge de la

réforme de la formation et du recrutement des enseignants.

Une concertation alibi

En effet, certains participants aux Groupes de travail et de propositions mis en place par Valérie Pécresse

et Luc Chatel avaient bien perçu que les représentants des directions ministérielles et les recteurs venaient

avec un projet déjà préétabli et tentaient de tirer les groupes vers ce schéma. Dans ce contexte, malgré le

carcan imposé par la publication des décrets du 29 juillet 2009, ces groupes de travail avaient pourtant bien

donné lieu à une production de propositions et d’idées neuves. Ces propositions qui auraient pu permettre

de sortir de l’ornière dans laquelle se trouvent la réforme et les deux ministères depuis le printemps 2009,

ont été successivement gommées par le groupe de synthèse et par les décisions ministérielles. A une

exception près (la place du concours de l’agrégation en fin de M2) les décisions ministérielles sont

absolument identiques au projet préétabli. Le travail des groupes de proposition pendant six semaines n’a

été qu’une mascarade, une mystification, faisant croire en l’existence d’une authentique concertation et

surtout donnant l’illusion d’un consensus alors que ni l’une, ni l’autre n’ont jamais existé.

Une vision simpliste de l’insertion professionnelle

Les propositions actuelles sont soit muettes au regard des problèmes posés par cette réforme, soit

proposent des solutions simplistes. Par exemple, elles suggèrent que le nouveau dispositif devrait

permettre une meilleure prise en compte des étudiants non admis aux concours. Nous considérons en

premier lieu qu’une réforme qui vise l’amélioration de la formation et du recrutement des enseignants ne

doit en aucun cas sacrifier ceux pour qui la réforme est conçue, c’est-à-dire les futurs enseignants. En

second lieu, il ne nous semble pas que l’insertion professionnelle des étudiants non admis aux concours

soit véritablement améliorée avec cette réforme, tout au contraire : en suggérant en effet par des

incantations répétées que le master disciplinaire est la solution à tous les problèmes d’insertion

professionnelle, le document ministériel du 13 novembre ignore les réalités universitaires et les conditions

de l’insertion professionnelle des étudiants. Les étudiants non admissibles ne se réorienteront pas d’emblée

vers d’autres parcours de masters et d’autres débouchés professionnels : ils feront ce qu’ont fait des

générations d’étudiants avant eux, ils se présenteront une seconde fois, une troisième fois, au concours.

Contrairement à ce prétend le rapport du groupe de synthèse le master généraliste disciplinaire, par on ne

sait trop quelle magie, ne règle pas la question des reçus-collés.

Une méconnaissance de la réalité des projets professionnels des étudiants

Certaines propositions nous apparaissent tout à fait caricaturales, en particulier celles qui suggèrent, grâce

à l’étalement du calendrier des épreuves des concours que la plupart des étudiants pourraient tenter le

concours de professeur des écoles dont les épreuves d’admissibilité auraient lieu en septembre ; que les

non admissibles à ce concours pourraient alors tenter les épreuves d’amissibilité des CAPES, PLP qui

auraient lieu en décembre ; que les non admissibles à ces derniers concours pourraient alors tenter

l’agrégation en avril. En poursuivant cette logique, faut-il envisager que les étudiants qui ne seraient admis

à aucun concours pourraient alors entreprendre une thèse débouchant sur un concours d’enseignant

chercheur ? L’ensemble de cette perspective nous semble ahurissant, très éloigné des réalités étudiantes

et très méprisante du travail des enseignants chercheurs en université.

Des masters inadaptés à la réalité du métier

Les propositions du 13 novembre n’affirment pas clairement qu’il sera proposé à tous les étudiants une

offre de master adaptée à leurs voeux et aux exigences des métiers auxquels ils se destinent. Rappelons à

ce sujet que les enseignants des lycées professionnels et ceux des écoles doivent disposer des

connaissances nécessaires à l’exercice de la polyvalence (écoles) et de la bivalence (lycées

professionnels). De la même façon les futurs professeurs des collèges et des lycées doivent être formés

dans toute la dimension didactique et pédagogique qui les rendra capable de prendre en charge les

classes. Dans l’état actuel des propositions, c’est la polyvalence des professeurs des écoles qui serait

sacrifiée dans le nouveau dispositif. Il est implicitement prévu par la réforme que, même pour les

professeurs des écoles, des masters généralistes mono disciplinaires (exceptionnellement bi disciplinaires)

leur serviraient de formation. Or les professeurs des écoles enseignent non pas deux mais une dizaine de

disciplines. Quand seront-ils formés aux huit autres, dont certaines n’ont pas été travaillées depuis le

collège (éducation musicale, arts plastiques) ? Dans le vague dispositif de compagnonnage prévu pendant

la première année d’exercice ? Ou bien faut-il comprendre que ces disciplines n’ont plus leur place à

l’école ?

La fin programmée de la formation professionnelle des enseignants ?

Au total, ce texte ignore une idée qui s’est pourtant imposée depuis des années et que partagent la plupart

des acteurs concernés par la formation : enseigner est un métier qui s’apprend et qui requiert de ce fait une

véritable formation professionnelle, qui ne peut en aucun cas se réduire à quelques stages pratiques. Il y a

presque 200 ans, les premières institutions dédiées à la formation des enseignants (l’école normale de

Strasbourg) initiaient un long processus par lequel le contrat entre l’école et la nation allait générer

simultanément le développement de la scolarisation et celui de la formation des enseignants, qui a certes

connu de nombreuses réformes mais qui visaient toujours des objectifs d’amélioration et de progrès. Nous

sommes aujourd’hui confrontés à un projet qui ramène la formation des enseignants plusieurs décennies en

arrière alors même que notre époque exige au contraire que l’on ose affronter les défis du siècle qui s’ouvre

à nous.

Certains hauts responsables se targuent d’une volonté délibérée d’empêcher les IUFM aujourd’hui, les

écoles de formation internes aux universités et dédiées à la formation des formateurs demain, de jouer un

rôle essentiel dans ce dossier. Cette réforme n’aurait pas d’autres buts que de récupérer des moyens et de

mettre à mort les IUFM. Le premier objectif est d’ores et déjà atteint, le second est programmé. Qu’importe

si cela met à mal l’équilibre de toute l’offre de formation de niveau master dans les universités. Qu’importe

si cela transforme la formation des enseignants dans notre pays en un véritable champ de ruines faisant fi

des compétences professionnelles attendues d’un enseignant, au détriment, au bout du compte, de l’intérêt

de nos enfants. Qu’importe enfin si les choix qui sont faits pour notre pays nous éloignent radicalement des

options retenues par l’ensemble des pays qui souhaitent aujourd’hui véritablement élever la qualité de la

formation des enseignants.

Pour toutes ces raisons cette réforme n’est pas acceptable et ne peut que susciter l’opposition de

tous ceux qui restent attachés à la formation des enseignants.

Contact presse

Conférence des directeurs d'IUFM

Sandra VIÉ

Chargée de communication

Tél. 01 44 32 92 47

sandra.vie@cdiufm.amue.fr