Comme toute religion qui se respecte, l’Identité Nationale ne saurait se concevoir sans prophètes, sans martyrs, sans rituels et surtout sans lieux de culte ou inhumer ses « Saints ». C’est à cela que sert le Panthéon et c’est pourquoi il est normal qu’on en recause quand le pays est invité à un « grand » débat sur son identité.
Comment voulez-vous que Josette et Marcel soient fiers d’être Français si TF1 ne leur offre pas de temps en temps une belle retransmission en direct du cinquième arrondissement avec transfert de cendres, discours patriotique écrit pat Henri Guaino et minute recueillie de silence présidentiel ? La foi en la Nation c’est comme tout : ça s’alimente.
Question choix du macchab ils auraient plutôt vu l’inventeur de la (vraie) galette saucisse que le cadavre de l’auteur de L’Etranger et du Mythe de Sisyphe mais, comme on dit, tous les goûts sont dans la nature.
Du reste, depuis qu’ils ont participé à la couscous-partie annuelle de l’Association des Pêcheurs à la Ligne de Pleurtuit, ils n’ont rien contre Camus pas plus que contre ces autres pieds-noirs sympathiques et célèbres que sont Roger Hanin et Enrico Macias.
Chez « Restons Correct ! » nous n’avons rien non plus contre lui même si nous fûmes contraints d’en lire quand même un peu du temps de nos années lycée. Rassurez-vous ce n’était ni par vice ni par plaisir mais juste pour se faire bien voir de profs de lettres à l’esprit un peu conventionnel, du genre de ceux qui n’avaient pas l’heur d’apprécier à leurs justes valeurs les libertés que nous prenions en tentant de traduire en bon français certains passages particulièrement soporifiques de l’œuvre immortelle de cette vieille barbe de Tacite.
Tous ceux qui ont eu l’occasion de suer sur leur Gaffiot dans de telles circonstances nous pardonneront certainement ce petit fayotage juvénile…
Reste aussi que, de mémoire, Camus c’est aussi soporifique que du Tacite dans le texte. En fait, dans le genre chiant mais vachement bien écrit nous ne voyons guère que Marie Ndiaye pour faire encore pire.
Accroche toi Marie, encore un effort, tu peux y arriver ! Le Goncourt c’était juste une étape : le Nobel est en vue et qui sait, un jour, tes reliques finiront-elles au Panthéon. Comme celles d’Albert si vos progénitures respectives sont d’accord.
Donc, vous l’avez compris : inutile de vous ruer à la Fnac pour acquérir les œuvres complètes de saint Albert. Sauf évidemment si vous souffrez d’insomnies récurrentes ou si vous êtes un nostalgique de vieilles bagnoles, genre Facel Vega qui, dans les années 60, vous éparpillaient les écrivains célèbres et leurs fortunés éditeurs dans les platanes de la Nationale 7, à tout va façon puzzle.
Si vous vous intéressez à la littérature française du vingtième siècle lisez (ou relisez) plutôt Céline, auteur aussi génial que sulfureux et officieusement ostracisé par l’Education Nationale au nom du « littérairement correct » et en raison de ses sympathies pronazies et de l’antisémitisme virulent dont il fit preuve pendant l’occupation. Errements personnels qui lui valurent plusieurs années de taule à la Libération.
N’empêche que Voyage au Bout de la Nuit (prix Renaudot 1932) et Mort à Crédit (paru en 1936) sont probablement les deux romans les plus « forts » et les plus « stylés » qui n’aient jamais été écrits en français. Pour paraphraser Jean-Pierre Treiber à propos de Koh Lanta : c’est pas du pipi de chat !
C’était aussi l’opinion de Bukowski qui passait pour s’y connaître en vieux génies littéraires et chtarbés…
Message personnel à mes mômes : si d’aventure on vous propose un jour de transférer mes cendres au Panthéon, c’est non ! Surtout si Saint Camus m’y a précédé. Ce n’est pas parce qu’on est mort qu’on est obligé de se faire éternellement chier…