Ah mais attention, la piscine oui. La déchéance non. Le standing, Darling, le standing ! C’est donc en bikini turquoise, manucurée, pédicurée, maquillée, coiffée que je pars m’ébattre chaque semaine depuis deux mois dans les eaux turquoises du 9-2. Ca n’a pas été facile au début… loin de là, il a fallu trouver le rimmel qui ne fait pas les yeux de panda, le mouvement de brasse qui ne mouille pas les cheveux, les claquettes de piscine qui ne font pas infirmière des DOM-TOM.
Mais c’est bon là je suis rodée, mon corps est une arme fatale et suscite l’admiration des lifeguards de la base aquatique de Chatillon (oui je sais ça fait rêver). Il est rare en effet de croiser une femme nageant la brasse avec le dos en forme de U… rapport au brushing je le rappelle ! La grande classe.
Mon charme exotique n’émeut pourtant pas les hommes triangles, stakhanovistes de la natation aux épaules démesurées, ventre plat et maillot minimaliste ridiculement échancré. Je me demande d’ailleurs si les heures d’entrainement n’ont pas fini pas par leur laver le cerveau : après tout comment avoir si peu de goût avec des corps pareil. Ça dépend ça dépasse, et là clairement ça me dépasse.
Ces aliens triangulaires me sidèrent et fendent l’eau sans la moindre gerbe, ni éclaboussure, tels des squales, des lames affutées coupant du beurre, tandis que moi, je lutte contre l’eau tel un couteau à beurre dans une côte de bœuf. Rien à faire, c’est une question de géométrie, la poule d’eau est ronde, point d’angles saillants, et face à ces regards sévères elle range soigneusement ses armes. Après tout, on sait ça depuis la maternelle : les triangles ne rentrent jamais dans les ronds. Pas la peine de forcer sur la boite.
Mais cet après midi c’est un autre requin qui m’a fait boire la tasse. Après 45 minutes de contorsionnisme dorsal appliqué, je suis tombée nez à nez avec Philippe Lucas. Si si, Monsieur Lucas himself, maitre nageur de son état, crinière au vent et langue de vipère intégrée, qui m’a lancé goguenard : « hey dites, et vous respirez quand exactement ? ». J’ai réprimé direct un spontané « et ta sœur connard » fort peu Shalimar pour hocher la tête studieusement à chaque consigne du tortionnaire. Apres tout un cours gratos, c’est un pas de géant vers le grand bassin.
Il paraitrait donc que je peux nager la tête sous l’eau (misère mon brushing, mon rimmel, mes poumons !). Je peux le faire , je peux le… blurp blurp blup. « Respirez ! je vous dis , respirez !!! ». Mais c’est ce que je fais, je respire, je respire… mais de l’eau. Arg. Je rechigne, je bois la moitié du lac, me fais un lavage nasale avec l’autre moitié, je tousse je pleure je crache. Je suis une poule mouillée il parait. Tout est dans la tête. Il faut ouvrir la bouche. Lucas me beugle que c’est la faute des mères qui disent toujours à leur gamin de fermer leur bec. Il m’en deviendrait presque sympathique cet homme. Il connait déjà ma mère.
Mais bon j’avoue, j’ai quand même fait un break : officiellement pour surveiller ma progéniture, officieusement pour éviter de me noyer et suis revenue armée de lunettes de plongée. En effet, je sens naitre en moi l’âme d’une compétitrice, d’une athlète, pire d’un triangle femelle. Je veux les même abdos que Laure. Et je sais que Lucas aurait été d’accord avec moi si lesdites lunettes empruntées à mon fils n’avait pas été pas en forme de poissons… Le diable en rit encore. HUMF.
Bilan des courses après une heure de torture, la poule de luxe a remisé son ego par devers elle, et va rempiler chaque semaine avec le coq psychopathe, à la plus grande joie de son fils qui n’en finit pas de glousser sur les traces de lunettes incrustées dans ma chair… de poule pour ceux qui ne suivaient pas.