” Le journalisme, y compris du web (!), est un métier, là où le blog est la trace écrite d’un vécu.”

Voici comme promis le dernier tome de la série-débat : Blogueur ou journaliste : qui croire ? qui vous influence ?.

Nicolas Verdier, fondateur de la célèbre plateforme de collaboration de blog Paperblog nous fait partager sa vision des blogs…

Com’on : Le blog, simple tendance ou est-il un véritable média à part entière ?

Nicolas Verdier : Il y a différents types de blogs. Il semble qu’il y ait eu un effet de mode de 2006 à 2008 sur les blogs de type “journal intime” avec des millions de blogs créés puis pour une bonne part abandonnés. En revanche, les blogs d’experts et de passionnés, ceux qui proposent un contenu pouvant intéresser un public qui dépasse le cercle des proches de l’auteur, trouvent de plus en plus leur place dans le paysage informationnel. Ils sont une source d’information complémentaire à ce que l’on trouve sur les autres médias. Un frein à son développement en tant que média à part entière reste toutefois la difficulté pour le grand public à identifier les bons contenus noyés dans un encore très grand océan de blogs, réservant de fait ce média à un cercle restreint d’initiés. D’où la mission et la raison d’être du site paperblog qui propose aux blogueurs qui le souhaitent d’organiser et hiérarchiser cette information, différente mais éparpillée, en un lieu complémentaire du blog où le grand public peut prendre ses marques.

Com’on : Le blogueur qui est-t-il ? Peut-on dire qu’il est le journaliste du web ?

Nicolas Verdier : Le blogueur c’est tout un chacun, vous qui lisez ces lignes, votre voisin où les personnes que vous croisez dans la rue. Ce ne sont pas des stars de l’information mais Madame et Monsieur Toutlemonde qui parce qu’il est intéressé par un sujet ou en est témoin souhaite partager cette information. Bien souvent ce partage d’information est basé sur du vécu et cela se reflète dans la manière dont s’exprime le blogueur. Le blogueur donne son point de vue avec bien sûr souvent une subjectivité qui ne cherche pas à être cachée, c’est son atout. L’expression d’un point de vue est même la raison d’être de l’écrit du blogueur et s’il peut parfois paraître péremptoire, il appelle bien souvent à la discussion avec son lectorat.

Même si certains blogueurs reprennent les codes du journalisme ou sont eux-mêmes des journalistes, ces caractéristiques le différencient beaucoup du journaliste qui doit entre autres prendre du recul et analyser des faits ou des sujets en croisant différentes sources et points de vue. Le journalisme, y compris du web (!), est un métier, là où le blog est la trace écrite d’un vécu.

Com’on : Le blogueur est-il vraiment crédible ? Quel est son rôle aujourd’hui ?

Nicolas Verdier : Le blogueur qui se base sur du vécu ou son expertise est bien sûr crédible puisqu’il parle de ce qu’il sait ou de ce qu’il a connu. Sa crédibilité est renforcée par le fait que, pour la majorité des millions de blogueurs, ces derniers ne poursuivent pas un objectif d’ordre financier ou de propagande. Avant tout, ils veulent partager, échanger. Il est toutefois nécessaire que le lecteur ait conscience qu’il ne s’agit que d’un point de vue, d’un témoignage et que d’autres blogueurs peuvent proposer un point de vue opposé mais tout autant crédible car c’est justement à chaque fois un “point de vue”. Un exemple concret concerne les recettes de cuisine… il y a des dizaines de recettes de gâteau au chocolat (si, si

) et si toutes sont différentes et bonnes (!), il n’existe pas de vérité absolue dans le gâteau au chocolat. Il peut-être très intéressant pour l’internaute lecteur de consulter ces différentes recettes avant de faire son choix sur celle qu’il veut suivre, voire celle qu’il veut inventer à partir des différentes recettes consultées.

Com’on : Blogueur : le métier de demain ?

Nicolas Verdier : Je ne crois pas que bloguer puisse véritablement devenir un métier, à moins de quitter l’univers du blogging au sens du partage d’expertises et d’expériences (de nombreux ex-blogueurs ont franchi le pas de la création d’un média d’information ou de relais d’information mais nous ne sommes plus alors dans le témoignage personnel). On peut certes vivre d’un blog mais cela reste d’une part très limité à quelques cas en France et d’autre part, pour les rares qui parviennent à vivre de leur blog, il s’agit rarement d’un choix à l’origine mais de la conséquence d’un succès auprès d’une communauté auprès de qui le blogueur est devenu un prescripteur en parvenant à garder sa liberté de ton. De bons exemples sont Presse Citron ou Caroline Daily. Ces cas restent exceptionnels et c’est peut-être parce qu’ils sont exceptionnels qu’ils intéressent des annonceurs et permettent par voie de conséquence à leurs auteurs respectifs de vivre (je crois, au moins en partie significative) de leurs écrits de blogueur.

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