Georges vit avec sa femme Annie et son fils Pierrot dans un quartier calme. Il travaille comme journaliste à la télévision et anime avec succès une émission littéraire. Un jour celui-ci reçoit une cassette vidéo anonyme, entourée d'un dessin inquiétant, sur laquelle apparaît son domicile.D'autres dessins tout aussi inquiétants vont alors lui être adressés ainsi que d'autres cassettes retraçant avec précision certains lieux marquants de sa vie. Georges se sent alors cerné et prévient la police. Celle-ci refuse d'intervenir faute d'actes physiques envers lui et sa famille. Les exactions se poursuivent, la famille se fragilise, Georges excédé prend alors la décision de mener sa propre enquête pour aller jusqu'au bout de ses soupçons.
C'est un film curieux, angoissant et très énigmatique que nous adresse, comme à son habitude, Michael Haneke. Il nous dissèque l'attitude d'un homme pour qui une affaire enfouie au fond de sa conscience va ressurgir brusquement quelques dizaines d'années plus tard. Mais avant d'en arriver à cette conclusion, les dessins sur lesquels le sang est représenté comme un let-motiv et les cassettes filmant des lieux symboliques pour lui vont faire remonter le fil de sa vie et de sa conscience. Georges se trouve dans une situation alarmante vis à vis de lui-même mais aussi de sa famille. Il est alors obligé de mettre son enfance à nu afin d'essayer de justifier face à lui-même et aux siens un évènement grave de conséquence mais qui enfant lui parut anodin. George se débat contre lui mais aussi contre cet ennemi invisible. Il trouvera une conclusion à cette affaire, mais est-elle la bonne? Le final est-il également aussi terrible que la conclusion de Georges? Comme toujours, Michael Haneke nous laisse dans le doute pour accentuer l'effet de réflexion sur des sujets dont on ne sort jamais indemne.
Par ses interpellations intimes et graves qui nous font réfléchir sur le sens de la vie, Michael Haneke en plus d'être un grand réalisateur est un très grand psychologue. Cela se perçoit lorsque l'on voit la justesse avec laquelle il plonge l'ambiance de ses films et avec laquelle il dirige ses acteurs. Par un rien qui n'est justement pas rien, il nous enveloppe d'un univers inquiétant en nous offrant les détails de la vie de son héros grâce à de longues séquences d'images fixes. Par ce moyen, il surprend et oblige le spectateur à s'interroger sur la démarche du réalisateur et sur le drame qui se joue sous nos yeux. Daniel Auteuil, homme tour à tour surpris, traqué, angoissé, secret, honteux et révolté est éblouissant de naturel et de sincérité dans ce rôle. Quant à Juliette Binoche, elle interprète avec beaucoup de finesse et de discrétion son rôle de femme mise à l'écart d'un secret gardé coûte que coûte par son époux. Je voudrais également décerner une mention à la touchante Annie Girardot cette mère fragile et malade , devinant par son instinct maternel le mal-être de son fils mais aussi à Maurice Bénichou, émouvant et énigmatique à souhait.
Il faut voir absolument ce film passionnant et parfois dérangeant. Comme souvent, le réalisateur nous laisse le choix de la conclusion selon notre imagination et notre sensibilité. Pour en arriver là, il nous fait témoin d'une situation intimiste et par son talent arrive à nous faire entrer dans la peau des personnages. La curiosité nous prend et l'on a sans cesse l'envie d'en savoir un peu plus mais là, le film se termine, à nous d'imaginer le meilleur ou peut-être le pire. Et à ce moment, c'est dans notre tête que le film se poursuit.
Ce film a obtenu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2005 .ainsi que le Prix Fipresci et le Prix du Jury Oecuménique.