Ce samedi, le Flashmob Tour de Vitalic (alias Pascal Arbez-Nicolas) faisait salle comble à l’Aéronef de Lille. L’occasion pour KUB3 de lui poser quelques questions dans sa loge, puis de mouiller le T-shirt dans la foule.
[Galerie photos en bas de l'article]
En début de soirée, le maître était d’abord précédé en warm-up par DJ Mo puis, lors d’une première partie furieuse, par The Penelopes, duo talentueux signé sur son label Citizen Records. Les quelques 2000 spectateurs, chauffés à blanc, allaient pouvoir s’en donner à cœur-joie.
Épaulé par ses fameux écrans-miroirs, Vitalic a présenté un live court et nerveux, mêlant anciens et nouveaux morceaux. Premiers émois avec Poison Lips, hystérie collective sur La Rock 01, et frissons de plaisir sur One Above One. Comme invités surprise : Galvanize, des Chemical Brothers, mais aussi un micro ! C’est une nouveauté, et l’artiste a ainsi pu chanter en live sur quelques morceaux.
Si la foule du soir sentait la sueur, la bière et même l’herbe, l’ambiance était pourtant nettement plus calme l’après-midi et pour cause : se pliant au nouvel exercice de l’Aéronef, Vitalic donnait un goûter-concert, à destination des parents… et des enfants. C’est à l’issue de ce premier concert que nous avons entamé la conversation.
KUB3 : Alors, ce goûter-concert ? C’était la première fois ?
Vitalic : Ouais c’est la première fois. Et au final, j’avais quand même le stress habituel ! J’ai trouvé que c’était bien marrant… je me suis demandé si les enfants n’étaient pas un peu effrayés par certains passages… !
Ouais j’ai vu quelques mains sur les oreilles, mais aussi beaucoup d’applaudissements. Maintenant, c’est vrai que Vitalic, c’est pas exactement Chantal Goya ! Tu as adapté un peu ton live ?
En fait j’ai fait une demi-heure, soit à peu près la moitié de mon live habituel. J’ai arrêté au milieu, quand on m’a dit stop.
Et toi dis-moi, à 33 ans… tu as des enfants ? Tu leur fais écouter ta musique ?
J’en ai trois ! Et quand je fais de la musique, ils viennent dans le studio, et puis ils dansent pendant que je répète mon live.
« je suis sûr de mes choix (…) on perd toujours des gens en route, et en ne changeant pas on perd aussi son public »
Le Flashmob Tour, c’est sur quelle période ?
Y a eu six dates en juillet, mais ça a vraiment commencé en septembre… et je pense arrêter à la fin de l’été prochain.
Et par rapport à ton léger changement de direction musicale sur Flashmob, des inquiétudes ?
J’étais inquiet, mais je suis sûr de mes choix. C’est pas grave, on perd toujours des gens en route, et en ne changeant pas on perd aussi son public. Au bout de 3 disques identiques, tout le monde est fatigué.
Est-ce que cette tournée va donner lieu à un second album live ?
Non je ne pense pas. C’a été fait une fois, je ne vais pas répéter à chaque fois les mêmes choses.
Ton live est toujours en « rodage », est-ce que ça change souvent ?
Très régulièrement ! Là, la dernière update c’était la semaine dernière à Paris, on change les vidéos… mais le live va encore évoluer en fait, il va être augmenté, avec plus d’écrans, les panneaux vont être plus grands, y aura plus de trucs, le contenu est régulièrement updaté. Y a eu deux nouvelles vidéos.
Concernant ton évolution musicale, du premier album très rock et dur au deuxième déjà plus disco mais toujours relativement sombre…
…il y a du soleil dans cet album !
Justement, est-ce que ton prochain album ça sera le grand soleil, quelque chose de vraiment « joyeux » ?
C’est difficile de faire quelque chose de joyeux ! Je le trouve pas sombre cet album, donc pour moi il est joyeux. Enfin y a toujours un petit nuage qui traîne…
Est-ce que ça reflète un état d’esprit, quand tu composes ?
Y a forcément mon humeur, ce que j’y ai mis, y a forcément un impact…
Mais rassure-nous, tu n’es pas quelqu’un de dépressif ?
Pas du tout
Au niveau des voix sur tes chansons, c’est la tienne en général ?
C’est souvent la mienne, surtout sur Flashmob. Il n’ y a que One Above One, où c’est la voix de Linda Lamb.
Et est-ce qu’un jour tu penses chanter en français ?
Il faut que ça ait un sens… Je vais pas me mettre devant la machine et me dire « tiens je vais faire une chanson en français pour faire du français… ». Si ça sonnait bien, si ça voulait dire quelque chose, si ça avait un rapport avec le morceau, oui.
Par rapport à The Silures, ton nouveau projet avec Linda Lamb justement : bientôt un album ?
Y a déjà pas mal de morceaux de prêts, oui. Il suffit de passer en studio, mais comme je suis souvent sur la route en ce moment, c’est un peu compliqué…
Est-ce que c’est une sorte de retour vers un « vrai » groupe, avec des instruments ?
Eh bien il y a des instruments : on est trois maintenant, y a Mount Sims qui nous a rejoints. C’est un gars qui était sur Gigolo [label de DJ Hell] aussi. Ça se fait comme ça, on se dit pas « il faut des vrais instruments ». Hop, on chope une guitare, et ça se passe comme ça.
Et tu les as rencontrés comment, Linda Lamb et Mount Sims ?
A New York en fait, quand on jouait ensemble. On a tout de suite accroché.
The Silures, c’est par rapport au peuple, ou au poisson ?…
Y a plusieurs niveaux de lecture, mais c’est vrai que j’aime bien l’histoire des guerriers cannibales.
« [Jarre : ] si on trouve que c’est cheap, j’en ai rien à foutre, c’est un truc que j’aime bien »
En termes de collaboration avec d’autres artistes, est-ce que tu as des envies sinon ?
Là en décembre je vais chez Jarre.
Les mauvaises langues ont pu qualifier son travail de « musique d’ascenseur »…
Ça revient à la mode ! Je ré-entends pas mal Oxygène, et puis Château Marmont c’est du Jarre, et puis… enfin moi j’adore, ça n’est plus une référence sale comme ça a pu l’être. Et si on trouve que c’est cheap, j’en ai rien à foutre, c’est un truc que j’aime bien.
C’est le côté concerts immenses aussi ?
Quel musicien n’a pas envie de faire des concerts immenses ? Pas forcément pour l’ego, mais tout le monde a envie de faire des trucs grands, non ? Enfin il me semble. Lui, il a fait très très grand.
Maintenant que t’es allé un peu partout dans le monde, y a un endroit que t’as préféré ?
Y a des pays que j’aime beaucoup. C’est difficile à départager, mais l’Espagne, l’Irlande, l’Écosse, la Belgique, les Pays-Bas, la France évidemment, l’Italie, le Japon, le Brésil, le Québec… J’aime bien l’Espagne, le Portugal, la Belgique et l’Irlande parce que c’est vraiment des dingues, c’est tout et n’importe quoi ! Régulièrement, quand je repars de là-bas, mon espérance de vie a un peu baissé ! (rires)
Tu citais le Japon : beaucoup de musiciens occidentaux ont un feeling un peu spécial avec ce pays, non ?
Y a rien qui ressemble au Japon, c’est vraiment très exotique et unique. Et puis, pareil, c’est une façon d’approcher la musique un peu spéciale, qui est intéressante. Ils sont à fond dedans, quoi !
Est-ce que tu te souviens de ton premier concert hors de France ?
C’était nul ! C’était à Sarrebrucke, en Allemagne. Y avait pas beaucoup de monde, c’était dans un club pas cool, avec une sale ambiance… Les premiers live, c’était pas la folie ! Maintenant ça va mieux. (rires)
Entre la tournée, Vitalic, The Silures, ton label Citizen Record, les interviews… est-ce que tu trouves encore le temps de jouer du trombone ?
Non, et puis j’en n’ai pas très envie. Je l’ai fait mais ça ne m’intéresse plus. Je ne joue plus d’aucun instrument, je ne fais plus que de la musique électronique.
Au niveau de tes clips, Poney Part 1, tu l’as fait avec un collectif qui s’appelle Pleix…
On a fait une co-production. Ils sont arrivés avec le clip tout prêt, et ça m’a tout de suite plu.
Et le prochain clip, c’est quoi ?
Là on est en train de faire Second Lives. Je ne sais pas encore à quoi ça va ressembler, j’ai les scripts mais il faut que je les lise.
Ce soir, tu joues avec The Penelopes… Ils t’accompagnent sur toute la tournée ?
Non, c’est la première fois ! On change à chaque fois, mais sinon j’ai surtout tourné avec JLF [John Lord Fonda] et puis Donovan [tous deux également signés chez Citizen Records].
C’est moi ou ce sont un peu les frères jumeaux de Poni Hoax ?
Ah oui les Penelopes ils sont fans de Poni Hoax !
Et sinon sur le line-up il y a aussi DJ Mo…
Lui, il est pas chez moi…
[Vince, le tour manager, vient d'arriver] : C’est un pote à moi ! C’est un Malien, il fait du bootleg, des trucs électros, du son malien…
Après Agoria, Flairs, Para One, et bientôt Daft Punk, est-ce que toi aussi tu vas faire la BO d’un film?
Eh bien oui ! C’est pour un réalisateur italien qui s’appelle Davide Manuli. Il a fait deux films dont Beket, qui est incroyable. Normalement pour le prochain, c’est bon. Alors c’est très particulier, c’est tourné en 16 mm, en noir et blanc, ça se passe dans le désert, avec pas d’espace-temps, et… c’est tout dingue, en fait ! Beket c’est sur la loose, sur des mecs qui loosent. Par exemple dans le film, y a Jésus et Eve… Eve c’est une gogo danceuse, Jésus c’est un DJ obèse… et y a pas de décor, ça se passe dans le désert.
Mr. Oizo par exemple est carrément réalisateur, ça te tenterait un jour ?
Non, je pense pas que j’ai le talent pour ça. Mais j’aime beaucoup le ciné, et puis Oizo a beaucoup de talent d’ailleurs.
En ce moment t’écoutes quoi ?
Ça fait un petit moment que je suis pas mal sur Major Lazer. C’est tout dingue ! Y a de l’humour, or c’est difficile de mettre de l’humour dans la musique. Par exemple y a un morceau où on entend un bébé pleurer, et puis au bout d’un moment les pleurs sont auto-tunés et ça devient une mélodie.
Et l’auto-tune, ça te branche ?
Il est un peu utilisé sur One Above One, mais léger.
Sinon l’humour, c’est une direction que tu essayes d’amener aussi ?
Oui pareil, y en a un petit peu sur Chicken Lady par exemple.
J’ai l’impression que, par rapport à d’autres artistes, tu cherches peut-être un peu moins la lumière… comment tu gères la notoriété ? Est-ce qu’on t’arrête dans la rue, ou tu peux encore aller chercher ta baguette tranquille ?
La notoriété… je suis pas encore Michael Jackson ! Je le vis plutôt bien. Ça arrive de temps en temps qu’on m’arrête, mais pas tous les jours. Ces derniers temps je suis pas mal à Lyon, et je m’y sens bien.
Et les interviews ?
C’est sur une période donnée, sur 4 mois par exemple. Quand il faut s’y mettre au tout début, c’est un peu bizarre, surtout quand c’est des journées presse où on en fait 13 dans la journée. Donc la première journée de presse, en général elle est dure. Et puis on s’entraine, donc j’ai pas encore mes réponses, je rame pas mal pendant 3-4 jours.
La première chose qu’on m’a dit à propos de cette interview, c’est « tu vas galérer, Vitalic il parle pas ! »
C’est pas vrai, tu vois ! (rires)
Et sur scène, t’es super à l’aise dès le départ ? T’as jamais eu envie de te planquer derrière un casque, à la Daft Punk ?
Il me faut un petit peu de temps, mais non, j’envie pas le casque ! Je sais pas si c’est bien confortable… Je connais un peu Thomas, enfin ça fait longtemps que je l’ai pas vu, mais j’ai entendu dire que c’était conditionné…
Ce soir on est dans un « Aéronef »… logiquement, on devrait avoir droit à 30,000 Feet Club ?
Eh bien non, elle n’est pas dans le live ! [déception abyssale ; je donne le change]
Pour finir, quelle est la question que tu es content que je ne t’aie pas posée ?
« Qu’est-ce que t’as fait pendant quatre ans, entre Ok Cowboy et Flashmob ? » (rires)
Interview réalisée le 21 novembre 2009, par Arthur Nancel
Remerciements : JC, Florianne, Flora, PIAS, l’Aéronef, Vince, et Pascal lui-même.
Crédits photos : Hélène Fargues, Arthur Nancel