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Un nouvel album de John Mayer, c'est un peu comme un bon vin - on n'en trouve pas tous les ans, mais quand on en a finalement un entre les mains, on sait d'abord et avant tout qu'il sera de qualité, mais surtout qu'on le savourera. Le classieux John, on va pas se mentir, n'a pas sur le vieux continent la même popularité qu'aux Etats-Unis, où les sept dernières années l'ont érigé en petit prince du pop / rock / blues made in US, mais chez Hall-Musique, on est fans depuis un bon moment et on ne pouvait décemment pas laisser passer ce nouvel opus sans vous en faire une petite critique.
Ce qu'il faut en retenir c'est que c'est un John Mayer en forme qui nous revient avec Battle studies. Autrefois rêveur, l'artiste offre dans ce nouvel album des textes plus sombres et plus profonds peut-être, où il s'engage surtout davantage. Il semble y avoir une vraie dimension personnelle dans cet album, une véritable mise en abyme, qui sert peut-être de catharsis. Ca, c'était pour les grands mots. Pour faire simple, l'artiste livre ce 4e album studio un peu comme un journal de ses propres combats intérieurs. Tour à tour un peu provoc' avec Who says, qui envoie valser les beaux principes et prône la liberté de l'individu, avant de se montrer beaucoup plus profond et meurtri dans un Assassin somptueux, qui dure sans s'étendre et prend aux tripes, John Mayer joue avec la corde sensible sans jamais trop tirer dessus. On adore aussi le ton plus léger de Half of my heart, son duo avec Taylor Swift, qui apparaît comme la pièce la plus légère de ce puzzle assez ténèbreux, mais qui ferait un excellent single, avec son refrain qui reste en tête. Plus électrique, Crossroads, quant à lui, en devient presque funky, tandis que All we ever do is say goodbye a des allures de comptine qu'on écouterait pour s'endormir (dans le bon sens du terme), même si un peu long, peut-être, pour le coup.
Les textes, surtout, ne sont pas laissés de côté. John Mayer a toujours été un très bon auteur-compositeur (il suffit de lire les paroles quasi révolutionnaires d'un Waiting on the world to change pour s'en convaincre) et ne tombe que très rarement dans le sentimentalisme dégoulinant. Edge of desire, un tantinet longuet, se rattrape par sa construction musicale et ses paroles bien senties. On adore aussi Heartbreak warfare, le second single, qui montre une facette totalement différente d'un Who says qui a pu en rebuter certains par sa simplicité musicale (volontaire, évidemment). Le côté chanson nocturne imprègne bon nombre des titres de l'album, à commencer par Friends, lovers or nothing, magnifique titre. Perfectly lonely et ses guitares enjouées rappelleront à certains le John Mayer de Room for squares & Heavier things, tandis que Continuum reviendra à l'esprit d'autres au travers de Friends, lovers or nothing, notre petit coup de coeur dans cet album, dont on a vraiment pas fini de vous parler. Ca reste définitivement sur le cœur, justement, à contrario de ces albums qu'on adore écouter mais qui se contentent d'un plaisir sur l'immédiat. Parce que oui, il y a une vraie notion de durée dans Battle studies. Les titres sont pour la plupart longs, n'obéissant pas aux schémas pop des 3 minutes 33, et prennent le temps de se développer, de grandir et surtout, de dire quelque chose.
C'est pour résumer typiquement le genre d'album que l'on écoute la nuit tombée, la tête vidée de tous les ennuis de la journée, et qui fait réfléchir, au delà du plaisir strictement musical qui est aussi évidemment là. John Mayer sait chanter, jouer de la guitare, raconter des histoires et ce de plus jolie et troublante des façons. Avec Battle studies, il livre son album le plus personnel, mais du coup celui aussi qui rentre le plus vite dans votre tête et votre cœur. Ce sont 11 petites histoires, 11 pistes musicales, qui évoquent la vie, l'amour, la solitude avec brio. On a envie de héler un taxi new-yorkais, se laisser tomber sur le siège arrière et passer la nuit à écouter la musique en regardant par la fenêtre les néons incandescents et les trottoirs qui ne désemplissent jamais.
On garde : Friends, lovers or nothing, Half of my heart, Assassin, Who says et Perfectly lonely en priorité. De purs bijoux.
On jette : Do you know me, pour son manque de punch à la limite, et Crossroads, pour son rythme qui tranche un peu trop avec le reste - mais les deux restent d'excellents titres.