Nous publions ici le compte-rendu de d’une conférence donnée le 9 novembre dernier lors du salon Marjolaine. Merci à Valérie Thobois pour son texte.
Contrairement aux idées reçues, l’Ile de France est un immense territoire agricole (50% du territoire est agricole), et pourtant il reste bien en deçà des normes nationales pour les Surfaces Agricoles Utiles (SAU) dédiées au bio (0,8% vs 2% en moyenne française) soient 84 exploitations d’un total de 4400 ha en 2008.
Pourtant ce n’est pas la demande des consommateurs qui manque. Les chiffres des ventes de produits bio montrent une croissance annuelle de 10% depuis 1990, voir de +25% en 2008, alors que le reste du marché alimentaire est sur une croissance de 3,6%. Et les acheteurs franciliens sont encore plus consommateurs que le reste des français*. 5000 personnes sont actuellement en liste d’attentes pour entrer dans des AMAP. La demande est donc bien là, alors pourquoi le pourcentage de terres agricoles bio augmente-t-il si faiblement ? On peut distinguer plusieurs raisons à ce phénomène.
Raisons structurelles de l’agriculture francilienne
C’est une région très céréalière, d’agriculture intensive, donc peu encline à passer au bio. En effet la bio est plus facilement envisageable à court terme sur de l’agriculture maraîchère.
Raisons politiques :
L’ambivalence du gouvernement actuel à l’origine du Grenelle de l’environnement mais dont certains membres soutiennent la création d’un circuit de F1 sur des terres agricoles destinées à la bio.
Raisons financières :
-Le coût du foncier est très élevé en Île de France donc acquérir des terres et les convertir au bio nécessite un investissement de départ élevé.
-le coût de main d’œuvre est plus élevé en Île de France et l’agriculture bio nécessite plus de main d’œuvre.
Raisons pratiques et culturelles:
- Pas assez de formation à l’agriculture bio, or cette agriculture, loin d’être limitée aux remèdes de grand-mère, doit faire l’objet d’un véritable apprentissage technique.
Les nouveaux exploitants bios doivent être accompagnés.
-Pas assez d’aide à la conversion de terres conventionnelles en bio. Or un agriculteur conventionnel qui passe en bio, doit réapprendre d’autres méthodes de travail que celles qu’il a toujours pratiqué. Là encore un accompagnement est nécessaire.
-Beaucoup d’agriculteurs sont rebutés par ce changement radical d’habitudes.
-Beaucoup d’à-priori négatifs sur la bio traînent encore dans les esprits : « c’est un truc d’écolos », « ce n’est pas viable économiquement ». Or ces idées reçues sont dépassées, les exploitations bios peuvent avoir un modèle économique durable, en Ile de France les exploitations bios sont aussi rentables que les conventionnelles.
-Enfin, les agriculteurs conventionnels ont peur de quitter un réseau de professionnels qui risque de leurs tourner le dos, de les décrier. Ils doivent reconstituer un réseau nouveau nécessaire pour l’échange de bonnes pratiques en complément de leur formation.
Face à ce constat, certains acteurs locaux comme le Conseil Régional, le Groupement des Agriculteurs Bios (GAB) et l’association Terre de liens, s’engagent pour améliorer ce pourcentage de SAU en bio. L’objectif de Terre de liens est de rassembler de l’épargne solidaire pour acheter des terres destinées au bio. Il se développe notamment une sorte de pépinière d’agriculteurs bios en Seine et Marne. Une prochaine collecte de fonds est prévue prochainement. La précédente leur a rapporté 4,5Millions d’euros. Malgré tout quand on sait que le coût d’acquisition d’une ferme en IdF est d’en moyenne 500 000 à 1 million d’euros (contre 150 000 euros en moyenne au niveau national)…on voit que cette action atteint vite ses limites.
Le GAB IdF propose également un partenariat dans le cadre d’un Programme d’Action Régionale Concertée (PARC bio) financée par le Conseil Régional. A travers ce partenariat le GAB accompagne des agriculteurs bio et les aide à trouver de nouveaux circuits de distribution. Il existe également un programme de rencontre avec des agriculteurs conventionnels pour leur donner envie de passer à la bio.
En résumé, des actions sont faites face à cette demande croissante du marché, mais le principal levier resterait un engagement fort du gouvernement en faveur de l’agriculture biologique, engagement qui se fait attendre malgré les déclarations encourageantes du Grenelle.
Valérie Thobois
*source agence bio baromètre CSA 2008