Une dame aux cheveux de jais, brillants, très apprêtée, arrive au bras de son galant, look bobo classique. Exclamation qui se veut drôle de ma part : "Tiens, on a Dita von Teese dans la salle". La dame se tourne, enlève son manteau, révèle son profil. Teint blanc, bouche rouge, yeux verts....C'est Dita von Teese. La vraie.
Ne me demandez pas ce qu'elle faisait là. Disons qu'elle habite Paris en ce moment, qu'elle venait voir le dernier Terry Gilliam dans un simple cinéma de quartier, au bras d'un mec qui est à Marilyn Manson ce que Bénabar est à Slash. Habillée en manteau noir avec des broderies rouges gothiques, bustier panthère sans doute vintage et jupe limite à panier. Quoi de plus normal.
Dépêche de dernière minute à l'instant où j'écris ces lignes : Miss Von Teese était en fait à Paris pour l'inauguration des illuminations du BHV Rivoli avec Jean-Charles de Castelbajac... et il se trouve que le monsieur à son bras était donc le fils de son père. Hmmm... d'accord.
Quant au film... Ma foi, cela me confirme que si de temps en temps les critiques de Chronic'art me font marrer, globalement elles sont bien trop prétentieuses. "L'imaginarium du dr. Parnassus" n'a aucune prétention, sinon de nous faire passer un bon moment, de nous faire rêver sur fond de rivalité faustienne entre un moine millénaire tombé amoureux et devenu papa (sa fille neserait-elle pas la réincarnation de son amour perdu, d'ailleurs...?) et un Diable roublard, parieur et fumeur magistralement incarné par Tom Waits -qui semble chanter plus que dire son texte.
L'univers esthétique de Terry Gilliam, loin d'être de la gimauve de foire comme on pouvait s'y attendre en regardant la bande-annonce, révèle plutôt une fascination pour les univers baroques, vides et entre deux mondes, et les peintres qui les représentent. Salvador Dali aurait adoré "l'Imaginarium du Dr. Parnassus". Et les premiers romantiques s'y seraient même retrouvés par moments.
Pour combler le vide laissé par la mort de Heath Ledger, chacun sait que Terry Gilliam a eu recours à trois autres acteurs pour le rendre vivant à chaque franchissement du miroir magique, qui révèle les rêves (au sens de désirs) de chacun. Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell incarnent donc tour à tour, ou plutôt, à chaque fois avec une nouvelle facette venant s'ajouter aux précédentes, un Tony Sheperd de moins en moins sympathique et de plus en plus trouble... Mention spéciale à Colin "cocker" Farrell, qui allège tellement bien son jeu qu'il en arrive presque à ressembler à Johnny Depp, et joue...très bien.
Immense surprise en la personne de Lily Cole, mannequin britannique à succès, qui se révèle une très bonne actrice pour un rôle complexe,
Merci aussi à l'ancien Monty Python, de ne pas être tombé dans la facilité des images accélérées et autres flashs hallucinatoires, fatiguants et tellement en vogue, qui auraient fâcheusement rappelé "Las Vegas Parano". Non pas que "Las Vegas Parano" soit mauvais, loin de là, mais son esprit n'aurait pas collé à celui de "Parnassus", à la dimension plus "mythique".
N'oublions pas Heath enfin... Si personnellement, je trouve que chaque acteur est à sa place dans ce conte faustien et lui apporte donc son équilibre, Heath Ledger prouve, par sa performance, qu'il va cruellement manquer au cinéma et à ses réalisateurs aux univers barrés.
Johnny Depp le dit à un moment, en parlant de légendes populaires (acteurs, personnalités) qui font une petite apparition dans le film : "Ils sont morts, mais ils sont immortels. Ils sont éternellement jeunes, car ils ont dépassé toute peur". On ne peut rien souhaiter de mieux à Heath Ledger, prenons cela comme une belle épitaphe.
Le film se termine, les lumières ne sont pas encore allumées que Dita s'enfuit, telle Heath à travers le miroir. Arrivée dans la rue, je vois qu'elle a des bas au trait noir dessiné à l'arrière de la jambe (style années 40) et aux pieds...des Louboutin. On ne se refait pas.
Au bras de son "chéri" parisien, elle paraît toute petite. Elle est toute petite. Ils partent donc à petits pas vers la place de la Bastille. Absolument personne ne l'aborde, et ne semble l'avoir reconnue.
La fascination du miroir aux alouettes, ca ne marche parfois que sur le papier. Et au cinéma.