Quand les traders critiquent la finance

Publié le 24 novembre 2009 par Uscan
Il était amusant ce débat sur Arte le 27 octobre dernier. Dans la foulée de deux documentaires accablants sur les pratiques anti-sociales du secteur bancaire, Daniel Leconte recevait deux traders (ex-trader pour l'un d'eux). Il était bien décidé à en découdre avec le monde de la finance, il était tout remonté, prêt à faire feux de tous ses arguments fichés. Le débat démarre, il lance ses deux invités sur les pratiques commerciales des banques de guichet, à la limite de l'arnaque, mais ceux-ci ne ripostent pas, ils acquièscent, précisent, augmentent même le propos du présentateur. Comme s'il n'avait pas entendu, Daniel Leconte continue de les tancer, s'empare d'un nouveau sujet de scandale, leur envoie le missile, et reçoit de nouveau une approbation calme et sans appel de ses deux invités. Il faudra attendre la moitié du temps imparti à ce débat pour que le présentateur finisse par abandonner ses idées toutes prêtes, et reconnaisse que les deux traders partagent avec lui le même dégout quant aux pratiques de la finance. Il leur demande s'ils représentent deux cas isolés, quelle est la position du milieu ? "Nous partageons tous cette opinion dans le milieu" affirment-ils, nous sommes représentatifs. Désorienté, Daniel Leconte ne sait plus comment faire, mais qui sont les responsables, où sont-ils, comment faire ? La réponse est un peu floue mais elle mérite d'être entendue, essentiellement parce qu'elle provient d'insiders. Les politiques sont responsables, disent-ils, parcequ'il était de leur devoir de nous imposer une règlementation en même temps qu'ils nous prêtaient des milliards, il fallait arrêter la folie totale dans laquelle est embarquée le secteur bancaire mais aussi le monde, depuis 30 ans. Mais pourquoi diable ne le font-ils pas ? Parce que les milieux d'affaires les en empêchent. Responsabilité double donc : impuissance du monde politique, omnipotence du monde des affaires.
Où l'on voit que les traders se sont pas les décideurs. Qu'ils peuvent parfaitement accepter de voir abolir ou en tout cas fortement réformés leurs bonus (ils le disent au cours du débat). Qu'ils sont des employés (de luxe) mais que la responsabilité réelle du désastre ne repose pas sur leurs épaules. Où l'on voit que la campagne médiatique autour des bonus détournait le regard des questions de fond : 1/ Le problème est structurel 2/ Cette structure est verrouillée.
Pour comprendre mieux l'état des lieux, je vous conseille vivement la lecture des ouvrages de Frédéric Lordon.
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