«J'ai bien l'intention de continuer à appeler un voyou, un voyou, une racaille, une racaille. Ce n'est pas un mot qui est insultant, ce qui est insultant c'est de se comporter comme un voyou.» Nicolas Sarkozy, 14 avril 2007.
Deux ans et demi plus tard, le président peine à cacher que la délinquance violente croît depuis 2002, et que son plan de réduction de la Fonction Publique va supprimer des postes de policiers.
Hier, Nicolas Sarkozy s'est ainsi déplacé à Epinay-sur-Seine, Bobigny puis Perreux-sur-Marne, en banlieue parisienne, pour "agir-pour-la-securité-des-Français". Hier, nous étions en 2009, pas en 2002, mais seul Nicolas Sarkozy semblait l'ignorer. Il travaille, ou plutôt communique depuis sept ans sur le sujet. Il paraît même que la lutte contre la délinquance fait partie de son "ADN politique".
Fadela l'inutile
Dimanche, la pauvre Fadela Amara était l'invitée de Dimanche+. Anne-Sophie Lapix lui demande, arguments à l'appui, si elle digère bien l'échec de son plan banlieue. Piteuse, Fadela Amara reconnaît un temps les difficultés, puis met en avant les "549" quartiers qui font l'objet d'une rénovation urbaine. "549 quartiers" ? De quoi parle-t-on ? "Plan anti-glandouille", selon les propres termes de la secrétaire d'Etat en août 2007, ou Plan Marshall pour les banlieues, selon le candidat Sarkozy pendant la campagne, les mesures en faveur des banlieues sont restées coûteuses et ridicules.
En avril 2007, Nicolas Sarkozy, candidat à la présidentielle, avait promis un "Plan Marshall 2" pour les banlieues, qui devait offrir «une formation, un emploi, une rémunération, un travail» à 250.000 jeunes des quartiers. Deux ans et demi plus tard, on sait grâce à la cour des comptes que la secrétaire d'Etat à la Ville a engagé 34 millions d'euros, à 70% auprès d'entreprises privées, voici un an, pour placer en formation ou trouver un emploi pour 45 000 jeunes. Un an plus tard, le bilan reste maigre : 1160 jeunes ont été casés.
Fadela Amara, mardi, s'est sentie obligée de réagir aux révélations du quotidien Libération, sur les violences policières subies par un étudiant d'origine maghrébine après le match Algérie-Egypte il y a une semaine. C'est sans doute le seul rôle qui lui reste. Le témoignage.
Sarko l'inefficace
Mardi, Sarkozy s'est donc "saisi" lui-même des problèmes d'insécurité. C'est normal. Les élections approchent. Et son ministre de l'intérieur est ... nul. Sur place, Nicolas Sarkozy a évoqué, évidemment, l'identité nationale française. Il n'a pas osé poser l'une des questions phares et fétiches du guide adressé par Eric Besson aux préfets et sous-préfets pour organiser les débats: « Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires génératrices de désordres divers (travail clandestin, délinquance) et entretenant, dans une partie de la population, des suspicions vis-à-vis de l’ensemble des étrangers ? ».
Mais il a eu d'autres formules. Il est arrivé dans des quartiers bouclés par des forces de sécurité dignes d'un mauvais film d'anticipation sécuritaire. Il a parlé, puis est reparti. Sarkozy sur le terrain parle mais n'écoute pas. L'espace de quelques visites, le Monarque a grondé, tonné, crié ses intentions. Problème d'année, problème d'époque, Nicolas Sarkozy n'est plus candidat, mais président, et même ministre de la Sécurité Publique depuis 2002. Le discours n'est plus crédible. La délinquance n'évolue que dans les discours du président. Les proches du président répètent à l'envie les arguments concoctés par la cellule de l'Elysée, sondages à l'appui: il faut s'afficher ferme, trouver quelques nouvelles mesures à chaque mauvaise nouvelle. La boulimie législative est manifeste, ... et manifestement inefficace: peines planchers, abaissement de l'âge pénal, loi anti-bandes, mesure anti-cagoule, création de la DCRI, castration chimique, videosurveillance, peines de sûreté, extension du TASER aux polices municipales, détection des comportements délinquants à l'école maternelle, couvre-feu pour les mineurs, ... Quelle sera la prochaine invention sarkozyenne ? Le marquage électronique des délinquants condamnés, un GPS incrusté dans l'épaule ? Les parquer dans des banlieues-guettos ? Sarkozy prépare-t-il un scenario à la Banlieue 13 ? Les classes populaires devraient penser à autre chose: a-t-on connu un président aussi actif et aussi inefficace ?
Les statistiques de la délinquance sont la preuve récurrente de l'échec sarkozyen. Les violences aux personnes ne cessent de progresser depuis que Nicolas Sarkozy a pris le sujet de l'insécurité à bras le corps: moins de 350 000 actes en juillet 2003, 454 318 en juillet 2009. En octobre dernier, les attaques contre les personnes ont encore augmenté (+3,75% par rapport à l'année précédente). Mais le Monarque a choisi ses quatre thèmes de prédilection pour les prochaines campagnes : immigration et identité nationale, insécurité et fiscalité.
Mardi, Nicolas Sarkozy a joué de sa grosse voix qui fait désormais sourire ou pleurer. Sans surprise, il a fait coup double : il est parvenu à glisser l'immigration dans un déplacement sur le thème de l'insécurité. Bravo l'artiste ! ««Je ne veux pas faire d'amalgame odieux entre immigration et sécurité. Mais tant que je serai Président, il n'y aura pas de régularisation globale des sans-papiers (...), je ne l’accepterai jamais parce que c’est contraire à l’idée que je me fais des valeurs de la République». Le député socialiste Bruno Le Roux, de Seine-Saint-Denis,a rappelé au monarque, par médias interposés, que «personne ne demande de régularisation massive».
Le voici aussi qui fustige les opposants aux caméras de surveillance, haussements d'épaules et sourcil relevé comme à son habitude : «Que ceux qui sont contre la vidéo protection le disent! Qu'ils disent qu'ils enlèveront les caméras de leurs régions s'ils sont élus...». Curieusement, Sarkozy répète qu'il souhaite faire porter à 60 000 le nombre de caméras d'ici 2011. En 2007, il faisait la même promesse, mais pour 2009. Surtout, personne ne connaît actuellement le nombre de caméras, légales ou pas, installées en Sarkofrance.
Il a enfin expliqué qu'il attaquerait la délinquance sur le terrain fiscal: "Je suis venu pour vous dire que nous allons prendre toutes les mesures nécessaires, tous ces messieurs qui ne travaillent pas et qui ont de belles voitures devront s'expliquer". "Tous ceux qu'on prendra pas sur le fait, on les prendra par les éléments de train de vie, les voitures, les montres..." Qu'attendait-il pour cela ? On ne sait pas. Sans doute l'approche d'une élection. Nicolas Sarkozy est ainsi: on pouvait croire que ses mesures seraient efficaces, elles ne le furent pas. Et si elle l'étaient, on se demande pourquoi il les distille au compte-goutte depuis 2002 autrement que pour faciliter ses réélections.
A l'Assemblée Nationale et ailleurs, certains députés têtus se demandent pour le gouvernement réduit encore les effectifs de police, comme ceux, par exemple, de la protection judiciaire de la jeunesse.