Il y a trois ans cet électron libre d'Eric Zemmour écrivait un livre sur Le premier sexe, un véritable pamphlet, comme on n'en fait plus
guère. Il entendait, par premier sexe, le beau sexe, celui qu'il serait bien difficile aujourd'hui de considérer comme le sexe faible, ou comme le deuxième sexe immortalisé par Simone de
Beauvoir, puisqu'au cours des dernières décennies il aurait ravi aux hommes la première place, en cumulant plusieurs rôles à la fois. Ce d'autant plus facilement que, dans le même temps, les
hommes se seraient féminisés de manière accélérée. Enfin, pas tous... Néanmoins Eric Zemmour appelait alors de ses voeux un revirement des mentalités.
Ce revirement, chez les femmes, serait d'ailleurs en train de se produire, mais les hommes n'en voudraient pas, ravis somme toute d'être émasculés :
"De plus en plus de femmes - même parmi les plus diplômées - se retirent du marché du travail au premier enfant. Les yeux des femmes se sont dessillés ; elles ont
compris le piège que le capitalisme leur avait tendu ; tout se passe aussi comme si, inconsciemment affolées par la féminisation accélérée de leurs hommes, elles tentaient un rétropédalage
désespéré. Il me semble en revanche que la plus grande résistance viendra des hommes, trop contents de s'être enfin débarrassés du fardeau qui court entre leurs jambes. Même si la soumission,
l'humiliation, le malheur sont leur destin."
Sur le marché de la politique suisse les choses
sont-elles différentes ? Elue hier présidente, pour 2010, du Conseil National, Pascale Bruderer [photo ci-dessus tirée de son blog ici], 32 ans, est certes mariée, mais n'a pas d'enfant. Certainement élue, le 2 décembre prochain, présidente de la Confédération, pour
2010, Doris Leuthard [photo ci-contre en provenance du site de la Confédération ici], 45 ans, est bien mariée,
mais n'a pas pu avoir d'enfant. Elue hier également présidente, pour 2010, du Conseil des Etats, Erika Forster-Vannini [photo ci-dessous tirée de son
blog ici], 65 ans, est mariée, a eu quatre enfants, mais elle est d'une génération, où les femmes d'exception ne voulaient ni renoncer aux
enfants, ni à une carrière, quelle qu'elle soit.
Les médias, de concert avec la conseillère nationale, socialiste et féministe, Ada Marra, s'extasient sur cette "heureuse constellation qui
a emmené ces trois politiciennes en même temps à ces postes" (ici). Il faut en effet
préciser que l'accession aux trois postes les plus en vue de la Confédération est le résultat du tournus habituel entre partis, donc le fruit d'un hasard, que la plus grande proportion de
femmes politiques, au sein des deux assemblées et au sein du conseil fédéral, rend tout de même plus probable que jadis. Si Pascale
Bruderer est socialiste, Doris Leuthard est démocrate-chrétienne et Erika Forster-Vannini libérale-radicale. Ainsi l'éventail politique est-il fortuitement assez bien représenté par ces trois
femmes, bien de leurs personnes, élues à la tête des institutions du pays.
Les médias s'extasient parce qu'ils voient dans ce hasard, qui ferait bien les choses, une avancée de la cause des femmes. Ils dressent avec bonheur les bilans féministes (ici) des trois politiciennes parvenues au sommet du pays. Ils soulignent que Pascale, en qualité de socialiste, est
tout acquise à la cause féminine et qu'elle milite pour le temps partiel; que Doris ne voit pas les femmes à la maison et qu'elle a même soutenu les quotas "au
sein des conseils d'administration des entreprises publiques de la Confédération"; qu'Erika a prêché d'exemple en devenant "la première femme à présider le Grand Conseil de Saint-Gall".
En revanche, si les représentantes d'organismes
publics défendant l'égalité entre hommes et femmes se réjouissent automatiquement de cet événement, elles tempèrent les ardeurs (ici). Patricia Schulz, directrice du
Bureau fédéral de l'égalité entre hommes et femmes (ici), déclare que "cela ne doit
pas rester une exception" et Muriel Golay, la directrice adjointe du Service pour l'égalité entre hommes et femmes de
Genève (ici) confirme que "rien n'est acquis d'avance". Ces
charmantes personnes se plaignent, mais les femmes représentent tout de même près de 30% des élus au Conseil national... alors qu'il est pourtant difficile "de
concilier vies familiale, professionnelle et politique".
Les femmes doivent-elles chercher, toujours et partout, l'égalité mathématique avec les hommes ? Rien n'est moins sûr. Après tout la quantité n'est pas un gage de qualité. Les
femmes, qui doivent rivaliser avec les hommes pour occuper les premières places, si elles ne renoncent pas à être des femmes pleinement épanouies, ne peuvent qu'être exceptionnelles
au sens d'insignes, et non pas d'inhabituelles. Il leur faut en effet concilier maternité, dont les hommes sont incapables par définition, et compétition. Bref il leur faut être des
super-femmes.
Ou sinon n'être que des femmes carriéristes, et sans enfants. C'est un choix, dont je ne suis pas sûr qu'il faille faire un modèle universel. Ne serait-ce que pour des raisons démographiques,
même si je sais que la mode, écologique et malthusienne, est à la diminution des naissances, de préférence - totalitaire - dans les pays riches, déjà fortement éprouvés à ce point de
vue-là, sur une planète dont les ressources seraient limitées... surtout par le manque d'imagination.
Francis Richard
Nous en sommes au
493e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani, les deux otages suisses en Libye