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IPhone vs Androïd, le retournement de l’écosystème mobile

Publié le 22 novembre 2009 par Ccarvounas

IPhone vs Androïd

l’IPhone a transformé les relations existants entre l’utilisateur final et son opérateur, tout autant que celles régissant la domination des opérateurs de téléphonie mobile sur les fabricants de terminaux.
La bataille qui l’oppose à la plateforme Androïd de Google a totalement retourné l’écosystème mobile.

Pour la première fois le grand public ne choisit plus son abonnement en fonction des capacités des tuyaux de communication de l’opérateur, ni des prix de souscription, toutes ces données sont aujourd’hui lissées et quasi identiques…Non il choisit en fonction des applications que le téléphone vendu à moindre prix par l’opérateur supporte, en fonction des services que ces applications procurent.

C’est au sein de ces applications que se trouve la vraie valeur ajoutée pour laquelle il souscrit à un fournisseur de téléphonie mobile.

Comment?  pourquoi ? Vers quoi allons nous ? Et que pouvons nous en retirer ?

Ce sont les réponses à ces questions que je me propose de partager avec vous au travers de ce (long) billet.

Comme à l’accoutumée, toutes les remarques, et commentaires sont les bienvenus.

Afin de mieux comprendre à quel point les rapports de force se sont inversés, un bref rappel de l’écosystème initial est nécessaire.
Pour ce faire je vous propose une image: celle d’un parc animalier de type réserve africaine comme Thoiry (nous sommes en France).

Pour ceux d’entre nous qui ont tenté l’expérience, celle ci se résume à admirer une superbe faune, prisonnière de ses enclos, le tout confortablement installé dans sa voiture.
Chaque type de faune est parqué dans un enclos qui lui est propre, afin d’éviter que sous les yeux horrifiés de notre progéniture, dame nature ne reprenne le dessus et que la chaine alimentaire des espèces ne s’illustre de façon pratique.

Maintenant, imaginez que ces enclos correspondent aux réseaux des opérateurs de téléphonie mobile.
En France SFR, Bouygues Télécom, et Orange (en attendant Free si toute se passe bien pour eux…), la voiture c’est vous et moi.

Le but de chaque propriétaire d’enclos (Écosystème) est de vous faire venir dans sa zone, et de vous y garder le plus longtemps possible (souscription).
Afin d’y arriver, un SFR, un Orange ou un Bouygues va se tourner vers un chasseur de type HTC, Motorola (Fabricants de terminaux) en lui demandant de lui ramener un lion, un tigre, des girafes (les terminaux) compatibles en nombre et en âge avec son enclos (ce sont les caractéristiques techniques des terminaux et les services associés à ces caractéristiques).
Il ne faut pas que les animaux se reproduisent trop vite, ou que les espèces en question consomment plus de ressources naturelles que l’enclos ne peut offrir car sinon l’écosystème implosera (c’est la compatibilité entre les services offerts par les terminaux et les infrastructures de l’opérateur en question).
Vous partiriez dès lors avec votre souscription voir un autre enclos (ce que les opérateurs appellent le CHURN – ou le changement d’opérateur).
Dans ce modèle tous les risques en termes d’innovations et de services sont pris par les propriétaires des enclos: les opérateurs.

Dans le même temps, loin de ces problématiques animalières, Steve Jobs, patron charismatique d’Apple avait un soucis: son chiffre d’affaire.

Un journaliste demanda un jour à Jobs pourquoi il avait pris le risque de se  lancer dans le business des players MP3, bien après tous les industriels comme Samsung, Sony et les autres.
La réponse tient du génie marketing: « Tout simplement parce que je me suis aperçu qu’aucune offre ne permettait une synchronisation simple et aisée entre le contenant (le player) et le contenu (les fichiers MP3), alors nous avons lancés l’IPod, la première version de ITunes, ainsi que son store, son magasin en ligne » et de conclure « Si vous voulez vendre du matériel, préoccupez-vous du logiciel ».

L’histoire lui donna raison.
L’Itunes Store et l’Ipod sont des standards à tel point que c’est l’Itunes Store qui sert de baromètre et de référence pour tout le marché mondial de la musique en ligne.
Nul doute néanmoins que de tels investissements, nécessitent amortissement.

Or comment augmenter cet amortissement et la rentabilité qui en découle lorsque le marché de la musique en ligne est déjà saturé par votre offre contenant/contenus (gamme des Ipods et plus d’un milliard de téléchargements depuis l’ITunes Store) ?
En recommençant avec un autre contenant pardi! un autre terminal… l’IPhone.

Le téléphone est le terminal le plus utilisé au monde, donc le plus consommateur d’applications, et des applications l’Itunes Store en fournissait déjà pour l’Ipod…Jackpot ! Rien à refaire coté back office, il suffit alors de mettre à disposition un design sexy, très sexy même, de bonnes performances assurées par un système d’exploitation propriétaire collant à l’octet près à la plateforme matérielle… comme pour les Mac… pas de changement culturel chez Apple.
L’IPhone est une continuité naturelle sur un autre segment de marché.

Oui mais et les opérateurs ? comme nous l’avons illustré plus tôt pourquoi perdraient ils leur leadership quant à la conduite du changement ?
Pour ne plus prendre de risques.

IPhone - Ecosystème
Le discours vis à vis d’eux est simple:

  • Monsieur l’opérateur vous avez de la bande passante à revendre, cette dernière est assurée par des investissements couteux, qu’il vous faut  maintenant rentabiliser (c’est l’un des risques majeurs) au delà des services liés à la voix, dont aucun forfait ne peut éponger la note d’infrastructure que vous avez payés.
    Apple vous propose un terminal et une offre de contenu dont « la route » passera obligatoirement par votre enclos.
  • Pour limiter dans le temps le risque qu’un autre propriétaire d’enclos ne vous copie je vous propose de négocier (et donc de payer encore) une durée d’exclusivité pendant laquelle vous serez le seul à qui je fournirai mes terminaux et le trafic de données les accompagnant – vous pourrez alors facturer un droit de péage  – souscription données – data – en sus de la souscription voix.
    Voila qui réduira votre CHURN durant toute la durée de votre exclusivité, tout en vous assurant des rentrées d’argents substantielles grâce à la facturation des données nécessaires pour remplir mon contenant avec des contenus assurant des services – les applications.
  • Qui assurera la promotion commerciale des applications existantes ? L’opérateur bien sûr! Tout simplement parce qu’en mettant bout à bout l’achat des terminaux et les couts de la négociation de l’exclusivité du terminal, la facture est encore inférieure au cout de design, de conception sur commande d’un terminal et de l’offre de services s’y attachant.

L’opérateur perd ici tout pouvoir, il devient un distributeur de terminaux, de plateformes techniques et des applications qui leurs sont dédiées, exactement comme un revendeur de PCs au système d’exploitation propriétaire.

Le retournement de l’écosystème est alors opéré.

Que se passera-t-il à la fin de l’exclusivité ? Grâce à la promotion du premier opérateur, à la beauté du terminal, de son système d’exploitation et des applications offrant des services dont personne ne pourrait plus se passer…(et aussi des revenus ramenés par les forfaits données), tous ses concurrents voudront l’imiter… La première référence devient la meilleure publicité pour Apple. Son terminal adopté par tous devenant LA référence.
Dès lors Apple prend définitivement la main sur l’offre de services, tout en continuant à rentabiliser son offre de contenus – de back office.
D’un point de vue stratégique c’est imparable…jusqu’à l’arrivée du trublion Google et de son système d’exploitation mobile: Androïd.

Quel est le métier de Google ?

Androïd et les fabricants de terminaux

Vendre de la publicité ciblée sur les données, tous les types de données: Vos documents, vos email, vos contacts, vos appels téléphoniques, vos news… et j’en passe.

On confie à Google ses données moyennant un accès à des services gratuits (excellents, du moins à mes yeux).

Que se passe-t-il pour Google à chaque fois que surgit une nouvelle plateforme ? Il dépense de l’argent pour pouvoir supporter cette plateforme et lui donner accès à son nuage d’applications… donc ce n’est pas positif pour lui, cela fragmente son marché de terminaux « clients » potentiels, et engendre des couts de développement afin de faire en sorte que cette plateforme puisse  synchroniser ses données… les nôtres avec ses serveurs.

C’est là, que réside LA différence majeure avec Apple, et  elle  amènera une véritable inversion en comparaison du modèle IPhone.

Apple se bat pour pousser son offre de contenus, Google pour pouvoir continuer à héberger nos données personnelles… et dieu sait que sur un téléphone portable, des données personnelles, il n’y a que ça.

Pour faire plus simple, Apple se bat pour du trafic entrant depuis son ITunes Store vers votre téléphone, Google se bat pour du trafic sortant depuis votre téléphone vers son nuage d’applications… tous les deux offrant des services applicatifs à très forte valeur ajoutée.

Apple compte sur les opérateurs de téléphonie, et Google sur les fabricants de terminaux, donc les concurrents d’Apple !

Pour augmenter le nombre de terminaux compatibles à moindre frais avec ses applications, Google propose l’inverse d’Apple, un système d’exploitation gratuit pour tous les fabricants de terminaux, à eux dès lors de faire le travail de promotion vers les opérateurs de téléphonie mobile.
Et comment un fabricant de terminal pourra-t-il alors se différencier d’un autre me direz vous, pour attirer son client: l’opérateur de téléphonie ?

Grâce à la gratuité du système d’exploitation… je m’explique.

  • Le fabricant de terminaux (HTC avec son modèle HERO et Motorola avec son DROID pour reprendre les deux derniers terminaux d’actualité au moment ou j’écris ces lignes) ne vont pas investir sur le système d’exploitation.
  • Ils l’ont déjà, pour rien. Ils vont miser sur une plateforme matérielle – offrant une différence de performances par le truchement d’un processeur plus puissant (par exemple) – ainsi que sur la personnalisation de l’interface et de son orientation en terme de services (orientée emails ou réseaux sociaux).

Un seul OS, de nombreuses interfaces, et de multiples plateformes matérielles…toutes pointant vers un seul nuage de services, celui de Google, sur base de la plateforme de Google.

L’opérateur, lui se cantonne toujours dans son métier de fournisseur de tuyaux, comptabilisant l’octet passant par lui.
Comme avec Apple, il distribue un terminal et des services innovants, le risque étant pris cette fois par Google qui fournit le système d’exploitation, ainsi que le magasin en ligne recensant les applications compatibles.

Quelques mots sur ces applications: C’est le cheval de Troie pour obtenir les données personnelles.

  • Une fois que l’on utilise une application pour le service qu’elle offre depuis la plateforme mobile qui lui est destinée, ou met on les données personnelles qui accompagnent cette plateforme mobile ? Sur la plateforme mobile en question bien sûr…
  • Google l’a tellement bien compris, qu’une récompense de DIX MILLIONS de dollars est promise à celui qui développera l’application phare sur Androïd.

Les applications sont aussi le vecteur faisant « vivre » Android, sans lequel le système d’exploitation ne serait qu’un super agenda… La plupart d’entre elles sont gratuites, contrairement à celle destinées à l’IPhone, ce qui devrait logiquement faire basculer les hésitants.

Dans tous les cas, c’est le terminal et le type de service qu’il offre, ainsi que son prix de revient via tel ou tel opérateur, qui feront la différence, pour nous utilisateurs finaux. C’est le téléphone, ses applications et sa disponibilité qui nous feront basculer chez tel ou tel opérateur.

Voila pour le comment et le pourquoi du retournement de cet écosystème mobile, complexe et riche à la fois.

Que peut on attendre de plus ? et quid des autres fournisseurs de systèmes d’exploitations mobile ?

Commençons par eux:

  • Windows mobile est en très mauvaise posture, comme nous l’évoquions dans le billet Windows Mobile 6.5, quelles nouveautés?.
    A moins d’un sursaut dont a les moyens une entreprise comme Microsoft, je n’investirai plus un centime dans cette plateforme qui m’a déjà couté une fortune, après des années en tant qu’utilisateur final, à acheter des compléments logiciels pour pallier aux manques de cet OS.
  • Palm et son Web OS, reste à ce jour un épiphénomène face aux deux géants que sont Apple et Google.
  • Quant à Symbian, toujours poussé par Nokia, c’est à mon sens le plus sérieux challenger. Le système d’exploitation est aujourd’hui en open source, et il ne lui manque qu’une nouvelle interface pour pouvoir être comparé sans rougir à ses concurrents. Il est et à toujours été d’une stabilité extrême.

Quant à ce que l’on peut attendre de plus, je ne prendrai pas trop de risque en affirmant que nous assisterons dans le courant 2010 à une refonte de la grille de tarifs des opérateurs. Pour deux raisons:

  1. L’arrivée en France du quatrième larron, qui ne peut être plus retardée.
  2. Parce qu’après s’être battu sur les terminaux, les opérateurs reviendront sur les fondamentaux de leur métier, l’abonnement. Ce dernier ne pourra que s’enrichir (forfait adsl+mobile+TV+Téléphonie fixe) vers le quadruple play ou baisser ses tarifs à iso-périmètre.

En termes de terminaux je crois à une montée en puissance des offres Androïd et à une baisse des tarifs de la gamme actuelle IPhone.
Ne serait ce que pour continuer à alimenter les achats de nouveaux modèles, comme celui prévisible d’un modèle avec clavier physique.

Voila vous savez tout, ou presque.
Vous passez trop de temps devant votre écran

;-)

Au plaisir de vous lire.
Christophe Carvounas


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