Très chers Confrères dans le Sacerdoce,
Tout en n'étant pas liés par un Voeu Solennel d'obéissance, les ordinands prononcent la « promesse » de filial « respect et obéissance » envers leur Ordinaire et ses successeurs. Si le statut théologique d'un Voeu diffère de celui d'une promesse, identique est l'engagement moral totalisant et définitif, identique l'offrande de sa volonté propre à la volonté d'un Autre : à la volonté Divine, à travers la médiation ecclésiale.
Dans un temps comme le nôtre, imprégné de relativisme et d'affectation de démocratie, de variés autonomismes et d'attitudes libertaires, une telle promesse d'obéissance paraît toujours plus incompréhensible à la mentalité courante. Il n'est pas rare qu'elle soit conçue comme une diminutio de la dignité et de la liberté humaine, comme une persistance de formes obsolètes, typiques d'une société incapable d'une authentique émancipation.
Nous qui vivons l'obéissance authentique, nous savons bien qu'il n'en est pas ainsi. Jamais l'obéissance, dans l'Eglise, n'est contraire à la dignité et au respect de la personne, jamais elle ne doit être conçue comme une soustraction de responsabilité ou comme une aliénation.
Le Rite a une formule fondamentale pour la juste compréhension de cette promesse ; il définit l'obéissance
seulement après avoir inséré le « respect » ; et dans la traduction italienne celui-ci est adjectivé comme « filial ». Or ce terme : « fils », en toute
langue, est un nom relatif, qui implique, justement, la relation entre un père et un fils. C'est vraiment dans ce contexte relationnel que doit être comprise l'obéissance que nous avons
promise. Un contexte dans lequel le père est appelé à être père vraiment, et le fils à reconnaître sa filiation et la beauté de la paternité qui lui est offerte.
Comme il arrive dans la loi de nature, personne ne choisit son père et, d'autre part, personne ne choisit ses fils. Donc nous sommes tous appelés, pères et fils, à avoir les uns pour les autres un regard surnaturel, de grande miséricorde réciproque et de grand « respect », c'est-à-dire une capacité de regarder l'autre en ayant toujours présent le bon Mystère qui l'a engendré, et qui au bout du compte est toujours constitutif de lui. Le « respect », en définitive, c'est simplement ceci : regarder quelqu'un, en tenant compte d'un Autre !
Ce n'est que dans un contexte de filial « respect » qu'une authentique obéissance est possible, qui ne soit pas à peine formelle, pure exécution d'ordres, mais qui soit passionnée, entière et attentive, qui puisse vraiment porter des fruits de conversion et de « vie nouvelle » chez celui qui la vit.
La promesse s'adresse à l'Ordinaire du temps de l'Ordination et à ses « Successeurs », parce que l'Église fuit toujours les personnalismes excessifs : elle met au centre la personne, mais pas les subjectivismes qui vous détachent de la force et de la beauté, historique et théologique, de l'Institution. C'est aussi dans l'Institution, qui est d'origine divine, que demeure l'Esprit. L'institution est, par nature, charismatique ; lui être librement lié dans le temps (« mes successeurs ») signifie donc pouvoir « rester dans la vérité », demeurer en Lui, présent et à l'oeuvre en son corps vivant qu'est l'Église, dans la beauté de la continuité du temps, des siècles, qui nous lie inséparablement au Christ et aux Apôtres.
Demandons à la Servante du Seigneur, l'obéissante par excellence, Celle qui a chanté, même dans la peine, « Me voici qu'il soit fait de moi selon ta parole », la grâce d'une obéissance filiale, pleine, heureuse et prête ; une obéissance qui nous libère de tout théâtralisme et puisse montrer au monde qu'il est vraiment possible de tout donner au Christ et d'être pleinement réalisés et authentiquement hommes.
+ Mauro Piacenza
Archev. tit. de Vittoriana
Secrétaire de la Congrégation pour le clergé