Par rapport aux autres ensembles britanniques spécialisés sur ce répertoire (comme le Tallis Scholars ou The Cardinlal's Musick), l'Orlando Consort revient à une certaine forme de simplicité. La polyphonie est articulée avec un naturel certain, sans ostentation. Leur objectif ne semble pas résider dans la démonstration de leur capacité à maîtriser toutes les prouesses rythmiques et harmoniques de la musique particulièrement savante de Josquin Desprez. Ils se détachent ainsi de l'école d'interprétation britannique, marquée par une certaine linéarité du chant, faisant de ces motets des entités abstraites où l'accent est plus mis sur la pureté de la ligne et la justesse, la précision des registres que sur l'expressivité et la volonté de servir le texte.
Pour cet enregistrement de 16 motets, l'ensemble Orlando se produit avec des configurations à géométrie variable (de 4 à 6 voix), proposant ainsi des climats assez différents, jouant ainsi sur l'ampleur du chant, la porté des voix, la densité de la texture sonore. Ensuite, le groupe vocal reste sur un ambitus assez resserré et joue ainsi plus sur la cohérence, l'homogénéité des timbres que sur des colorations particulières de certaines voix. Certains pourraient déplorer un certain manque de relief, d'autres, dont je fais partie, y apprécier le fait que cela apporte une belle densité à ces motets.
Parmi les plus beaux passages de ce disque, on notera les deux motets qui se suivent et ne se ressemblent justement absolument pas : le Christe Fili Dei - J'ay pris amour à 4 voix, d'une part, où Josquin Deprez déroule un mécanisme d'imitation du thème de la voix d'alto par les autres registres particulièrement subtile et élaboré ; puis le O Virgo virginum à 6 voix d'autre part, où les voix en accord déploient une ampleur impressionnante, entraînée par les basses. Ces accords prolongés se superposent par un effet de tuilage impressionnant avec des modulations dont les effets confère à ce motet une grandeur indéniable.
Disque très intéressant, distribué par Abeille Musique, et à découvrir.
Extrait du motet "O Virgo virginum" :