Le train comme une première hirondelle
Le train comme une première hirondelle
porte le justaucorps bleu de la nuit
dans l'air épuré, sans odeurs
de l'hiver.
Je me vois
sautiller suivant le croassant
ou aigu ou sifflant ou aveugle
grondement des paroles emprisonnées
dans le porte-monnaie de ma gorge.
Le temps et moi nous nous faisons des infidélités
parce que si cette constance est fille de la paresse
si cette paresse est soeur de la douleur
si cette douleur...
Le train se déplace comme une spirale
dans un colimaçon de stuc
le graffiti est comme une petite fumée
on dirait vraiment qu'il ne reste rien.
Tandis qu'ils deviennent
ces mondes dont on se souvient
ces milliers de situations perdues
des lueurs ténues, des visions désordonnées
avec leurs couleurs
leurs misères, leurs enthousiasmes
je revis la chronique, le mythe
le scénario fragmentaire, haletant
de mon passé.
Et je ris étonné, excité
devant le temps déchiré
la solitude recherchée
comme un costume élégant
ou refoulée comme un cauchemar qui t'obsède.
Le train avance, taillant sans effort
avec l'allure d'un ivrogne
le ballon de caoutchouc et d'eau
du futur.
Giovanni Merloni, Il treno della mente, traduction inédite d'Olivier Favier, Edizioni dell'Oleandro, Rome, 2000.