Le Conseil constitutionnel a rendu ce 19 novembre sa décision sur la loi pénitentiaire soumise à son examen. La stratégie des requérants, qui avaient choisi de ne pas motiver leur saisine pour ne pas restreindre le champ d’intervention du Conseil, n’aura visiblement pas porté ses fruits puisque, dans sa décision DC n°2009-593, « les sages » ne se sont penchés que sur deux articles.
1°/ - La réserve d’interprétation directive de l’article 91 du projet de loi pénitentiaire
Dans un premier temps, le juge constitutionnel a examiné l’article 91 du projet de loi relatif au régime disciplinaire des personnes détenues. Par cette disposition, le législateur renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de déterminer un tel régime, et notamment de fixer la liste des différentes sanctions disciplinaires.
Au visa du Préambule de la Constitution de 1946 et du principe à valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, le Conseil rappelle tout d’abord qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles du droit pénal et les règles pénitentiaires afin que soient respectés les droits fondamentaux du détenu. Mais le Conseil considère néanmoins qu’un tel renvoi au décret d’application n’est pas entaché d’incompétence négative puisque le « régime disciplinaire des personnes détenues ne relève pas en lui-même des matières que la Constitution range dans le domaine de la loi ». Selon lui, seules les sanctions les plus graves, à savoir le placement en cellule disciplinaire et le confinement en cellule individuelle ordinaire, relève de la compétence exclusive du législateur.
Cependant, il formule une réserve d’interprétation, de type directive, puisqu’il précise que, concernant les autres sanctions disciplinaires, il appartiendra au pouvoir réglementaire de « ne pas définir [dans le décret] des sanctions portant atteinte aux droits et libertés dont ces personnes bénéficient dans les limites inhérentes aux contraintes de la détention ».
2°/ - Censure de l’article 99-III du projet de loi pénitentiaire
Dans un second temps, le Conseil constitutionnel a examiné l’article 99 du projet de loi pénitentiaire, relatif à la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités d’outre-mer. L’alinéa III de cet article prévoyait la possibilité pour l’Etat et quelques îles françaises de conclure une convention afin de réglementer la prise en charge de la santé des personnes détenues.
Cependant, au visa de l’article 74 de la constitution, le Conseil censure l’article 99-III concernant l’île Wallis et Futuna, au motif que la prise en charge de la santé des détenus n’est pas de la compétence de la collectivité mais relève de la loi organique.
Jugeant les autres dispositions du texte conformes à la Constitution, le Conseil constitutionnel a validé, à l’exception de ces deux articles, l’ensemble du projet de loi. Peut être doit-on voir dans cette décision, un désaveu de la « saisine blanche » ? En effet, il est concevable qu’avec l’introduction imminente de la question préjudicielle de constitutionnalité, le Conseil tende à juridiciser davantage sa procédure, notamment en orientant son contrôle en fonction de l’argumentation des requérants.
Décision n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, Loi pénitentiaire
Actualités droits-libertés du 23 novembre 2009 par Rachel LAMBERT
Pour une analyse et une critique du projet de loi pénitentiaire voir sur le site : PROJET DE LOI PENITENTIAIRE par Anais WOEHREL et Clémence GRANDCHAMP (I° partie) et Antonin GELBLAT, Julie IGNACZAK, Rachel LAMBERT (II° partie), étudiants du Master 2 “Droit de l’homme”, de l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense