Il y a quelques jours je suis tombée sur un petit livre captivant posé sur le bureau de mon conjoint. C’est la couverture puis le titre qui retint mon attention. Sur fond noir, comme la couleur du tabou, le titre, en petits caractères semblait comme timidement écrit dans un blanc d’espoir : L’Hermaphrodite de Nadar (Creaphis, 64 pages, 15 €).
Intrigue pour le scientifique qui voit sur la table de travail d’un spécialiste de l’art un tel livre… Les artistes voguent toujours dans un univers irréel pour les scientifiques, pour quoi les scientifiques ne sont que des terre-à-terre d’une complexité désolante.
Ce petit ouvrage a réveillé ma curiosité. Curiosité humaine et curiosité scientifique. Un petit livre en noir pertinemment illustré de neuf clichés qui, loin de choquer l’œil, titillent l’éternelle recherche humaine à sonder les mystères de la vie.
Je n’aborderai pas ici le côté artistique, je laisse cette tache au spécialiste (http://savatier.blog.lemonde.fr/2009/11/20/l%e2%80%99ambiguite-sexuelle-au-xixe-siecle/) et, pendant que mon voisin relevait la force de l’œuvre, à la fois picturale et sociale, je restais fascinée par la parfaite représentation de ces aberrations biochimiques qui coûtèrent la vie – au sens propre ou au figuré (une mort sociale) – à de nombreux infortunés.
L’hermaphrodisme a toujours été une curiosité pour l’homme, fascinant le scientifique, perturbant la société : Le masculin et le féminin réunis dans un même corps. Considéré comme« ni homme ni femme ou les deux à la fois », l’hermaphrodisme n’est autre que l’ambigüité sexuelle connue et reconnue par la science comme une pathologie que le progrès est aujourd’hui en mesure de dépister et de traiter depuis la vie intra-utérine.
L’embryon est sexuellement bipotentiel et son développement sexuel résulte de l’enchaînement et du chevauchement de complexes phénomènes génétiques et hormonaux.
Dans l’hyperplasie congénitale des surrénales (maladie génétique à transmission autosomique récessive) il existe un déficit en 21-hydroxylase entraînant une accumulation d’androgènes surrénaliens. Cette anomalie va avoir des répercussions à la fois sur les organes sexuels internes (OGI) (ovaires et testicules) que sur les organes sexuels externes (OGE). En fonction de l’intensité de ce trouble et de sa précocité d’apparition durant la vie intra-utérine, on peut observer différents types d’hermaphrodisme :
L’hermaphrodisme vrai (très rare) caractérisé par la coexistence dans les gonades de tissu testiculaire et ovarien actif.
Le pseudohermaphrodisme correspondant à la présence d’OGI compatibles avec le caryotype alors que les OGE correspondent à ceux du sexe opposé.
Le pseudohermaphrodisme féminin se caractérise par un caryotype XX, une virilisation des OGE avec hypertrophie des grandes lèvres jusqu’à leur fusion prenant l’apparence de bourses et hypertrophie du clitoris prenant l’apparence d’un pénis. Le risque est l’assignation arbitraire et erronée de sexe lors de la déclaration de naissance.
Le pseudohermaphrodisme masculin, plus rare, se caractérise par une féminisation d’un individu dont le caryotype est XY.
Ainsi un individu déclaré de sexe masculin à la naissance se voit découvrir un utérus et des ovaires, parfois à la puberté (avec l’apparition de « saignements » périodiques), ou plus tard, à l’âge adulte à l’occasion d’une infertilité.
Reconnu par la science comme une pathologie qu’on peut traiter et même prévenir, l’hermaphrodisme reste un sujet de curiosité. Ces sujets étaient jadis considérés comme des monstres ou des individus dangereux ; aujourd’hui, dans certains pays ou certaines cultures, notamment fortement patriarcales, l’ambigüité sexuelle reste encore entachée de croyances où la diabolisation de ces « individus » menace leur intégrité et met en danger leur vie.
Le père qui, fier d’avoir enfin un héritier mâle pour permettre la pérennité de la famille, se voit, le jour du verdict médical, déboussolé, voire humilié jusqu’à renier la réelle identité de son enfant, préférant lui garder un statut social masculin malgré ovaires et utérus. Ce n’est pas mieux pour le jeune garçon qui, à sa puberté, est « trahit » par des menstruations, cette « marque du diable », sentence qui fera que seule son exécution chassera le diable du village.