Amateur de perfection en matière de Pizza, plat simple s’il en est mais qui ne tolère ni la médiocrité ni la congélation, j’avais vaguement entendu parler de cette Arlette, qui se disait vice-championne du monde de la spécialité… Interloqué et dubitatif, je décide de tester l’endroit. Quelques stations de métro plus tard, la devanture quelconque de ce restaurant tout en long apparait. Sa décoration marron et vert se fond dans un quartier qui balance entre pubs anglais, cantines bio et bistrots du terroir. Une question continue à me tarauder : mais bon sang, à quoi peut bien ressembler un championnat du monde de pizza ?
N’ayant aucune idée des épreuves que peut comporter une discipline aussi pointue, mon esprit s’emballe. Je m’imagine une discobole large et musclée, vêtue d’une nappe à carreaux rouges et blancs, tenant fermement dans sa main droite une pizza quatro frommagio de concours, en chantant ô sole mio. Après 4 tours sur elle-même, telle une wonder woman virile et anabolisée, elle expédie d’un rapide et puissant mouvement rotatif l’objet chaud et aérodynamique, qui après un long vol parabolique, vient s’écraser 47 mètres plus loin côté fromage (le plus lourd, comme les tartines de confiture). Un gros juge moustachu vaguement déguisé en carabinieri, inspecte la performance avec circonspection, décamètre à la main… Dans le stade, Les supporters affamés se lèvent en hurlant comme des dingues « Arlette, Arlette… »
Stoppant net ma pensée vagabonde, la porte s’ouvre. Arlette est là pour m’accueillir. Elle n’est pas vêtue d’une nappe à carreaux et n’a pas le physique d’un lanceur de disque. Je suis le premier client, elle me place gentiment au fond de la salle, à côté du frigo à desserts, où quelques tiramitsu du jour se les gèlent en attendant le chaland. La carte est impressionnante : 93 sortes de pizza sont étalées devant moi, des plus basiques au plus élaborées. Généralement je me méfie des cartes à rallonge, souvent signe de cuisine en boite. Vous me connaissez, je prends très à coeur mon rôle de goûteur, je commande donc illico 3 pizza : girolles et crème de champignons, 5 saisons (5 légumes), crème de truffe et carpaccio de boeuf.
Derrière le comptoir, un jeune type prend le relai. Il saisit un pâton et le fait tourner habilement entre ses doigts. La force centrifuge (la meilleure amie du pizzaïolo), se met au travail et en l’espace d’un éclair, transforme une pâle boulette molle en élégant et fin disque blanc. Quelques ingrédients plus tard les pizza sont au four. Fin du premier round. L’une des particularités d’Il Campionnissimo, c’est que les pizzas les plus élaborées sont cuites en 2 temps. D’abord le fond dans l’un des grands fours qui longent le comptoir, puis elles passent en cuisine pour la garniture. Là sont ajoutés : les légumes, la salade, le carpaccio, les girolles, etc. Les produits sont frais et de qualité. Le parmeggiano reggiano déboule dans l’office en énormes blocs, les légumes sont verts et droits dans leurs bottes, le carpaccio est ultra frais. Visuellement c’est parfait, les pizzas sont gourmandes et généreuses. Au goût c’est top. La pâte est fine et croustillante, les saveurs sont bien assemblées, les produits sont savoureux.
A part celles du Barlotti qui boxent dans une catégorie différente (celle de la pâte quasi feuilletée), ces pizzas là sont probablement les meilleures que j’ai pu manger à Paris (à part les miennes bien entendu…). Même le Bellagio & le bistrot Napolitain restent un cran au dessous. Après avoir réglé une addition honnête, je quitte l’établissement avec un plaisir non dissimulé, celui d’avoir dégotté une nouvelle cantine. Arlette, elle, arbore un sourire de championne.
Restaurant Il Campionissimo – 98 rue Montmartre – 75002 Paris