Un Top 13 des albums parus en 2009:
1. Buraka Som Sistema
‘Black Diamond’
Enchufada/Fabrics
On trouve parfois UN album qui cristallisent un peu tout ce qu’on cherchait de façon éparse. Pour moi c’est Buraka qui a fait le grand saut cette année. D’abord une panoplie rythmique qui explore des mouvements peu entendus par chez nous (le kuduro mais pas seulement), le tout dans une frénésie à faire des jumps up jusqu’au plafond. Si les sons utilisés sont fort sophistiqués, ils sont surtout aventureux et illustrent on ne peut mieux toute la brutalité des rythmes et l’agressivité des voix (que n’aurait pas renié Betty Davis !). Les prestations live incandescentes (entre autres, au Recylcart et à I Love Techno) n’ont fait qu’accroître la réputation et le potentiel du groupe. Lorsque l’avenir de la musique électronique passe par l’Afrique et ses brillants métissages !
2. Betty Davis
‘Nasty Gal’ 2009 Re-issue
Light In The Attic Records/Universal
3. Anthony Joseph & The Spasm Band
‘Bird Head Son’
Naive
4. Ghinzu
‘Mirror Mirror’
Dragoon/PIAS
5. Staff Benda Bilili
‘Très Très Fort’
Crammed
6. Ghalia Benali & Bert Cornelis
‘Al Palna’
Zimbraz/Musicwords
7. Mulatu Astatke & The Heliocentrics
‘Inspiration Information Vol.3’
Strut
8. Grizzly Bear
‘Veckatimest’
WARP
9. Amina Alaoui
‘Gharnati – En Concert’
Saphrane
10. Fagget Fairys
‘Feed The Horse’
Music For Dreams
11. Jimi Tenor-Tony Allen
'Inspiration Information Vol. 4'
Strut
12. The Fort Knox Five
'Radio Free DC'
Fort Knox Records
13. Izia
'Izia'
Universal
Interview Afel Bocoum parue dans le dernier Rif Raf (www.rifraf.be)
Vous signez douze nouvelles chansons dont on sent l’unité qui les lie les unes aux autres. Où et comment sont-elles nées ?
Afel Bocoum : « 80% de ce qu’on y entend est basé directement sur ce que rencontrent les gens de mon pays dans leur vie quotidienne, les événements de leur vie ou bien les problèmes auxquels ils font face: la place de la tradition dans le monde moderne, le respect de la femme, l’excision, l’attrait des jeunes pour le vaudou dont ils veulent tout connaître et maîtriser… Sinon je ne manque jamais de m’informer notamment auprès des médias, sur des sujets qui me tiennent à cœur et sur lesquels je veux m’exprimer. Je suis donc venu en studio avec une série d’idées sur lesquelles travailler. Ensuite nous avons arrangé cela avec le groupe tout en réaménageant le tout au moment de l’enregistrement. »
Dans votre album précédent, vous avez beaucoup chanté sur le fleuve Niger en vous adressant aux autorités sur les dangers qu’il encoure. Dans celui-ci vous évoquez souvent le sort de peuple Peul et de sa langue…
Afel Bocoum : « Ah ! C’est d’ailleurs le titre de l’album… Les peuls sont des pasteurs qui, ont été amenés à quitter leur mode de vie traditionnel et à revenir à Bamako. Là, ils sont amenés à faire exercer des métiers comme marchand de tissus, vendeur de cartes téléphonique etc. C’est un cri d’alarme par rapport à cette tragédie : non seulement, ils ont perdu leur bétail mais en plus, ils sont en train de perdre leur langue tant celle-ci est en train de se dissoudre en recourant systématiquement à des mots bambaras ou autres. Cela ce n’est pas du tout du peul. Je plaide pour que cette langue puisse survivre et que les Peuls puissent retrouver un milieu naturel qui est le leur. »
Cette situation vécue par les peuls est-elle à rapprocher avec celle vécue par les Touaregs qui sont également confrontés à un changement radical dans leur mode de vie, notamment avec la sédentarisation ?
Afel Bocoum : « Oui, j’ai beaucoup parlé des Touaregs dans mon premier album. Du temps de la rébellion je leur disais que s’ils étaient amenés à fuir le pays, il ne fallait jamais qu’ils partent en tuant leurs frères appartenant à d’autres ethnies. De même au gouvernement malien, j’affirmais que s’il s’en prenait aux Touaregs, c’est le peuple malien tout entier qu’il attaque. À présent, tant pour les Peuls que pour les Touaregs, c’est indispensable que le gouvernement fasse une place à part entière à ces peuples qui ont un mode de vie bien spécifique et fortement fragilisé. Il faut qu’ils puissent être entendus. »
Vous dites dans votre chanson d’ouverture que « le monde est très vaste et j’ai eu la chance de m’y promener ». Vous qui êtes né d’une mère peule et d’un père songhai et qui connaissez ce mode de vie traditionnel, quel regard portez-vous sur ces pays occidentaux lorsque vous y séjourner ?
Afel Bocoum : « Je dis que le Mali n’a pas son pareil ! Je vous le dis à vous et aussi aux jeunes qui veulent quitter le Mali. Je veux les encourager à rester ! Même si l’Occident est attirant, nous avons tout ce qu’il faut chez nous pour nous en sortir. C’est un pays calme et stable et on n’a pas besoin d’autres ressources. De plus, nous avons des gens très compétents pour pouvoir faire avancer les choses. C’est la détermination collective qui nous manque d’autant que si tout le monde part, alors ça n’ira jamais. Mais la jeunesse est attirée par cette modernité occidentale. Or ce que les jeunes voient de l’Occident par la télévision, tout ce confort, ces technologies etc, ce n’est pas la vérité. En plus le chemin qui mène vers l’Europe est catastrophique et inhumain. C’est à l’avenir du pays auquel qu’il faut penser. »
Est-il possible de concilier les traditions riches et séculaires du Mali avec la modernité occidentale sans perdre son âme ?
Afel Bocoum : « Je trouve que oui. Ali Farka Touré l’a fait, Toumani Diabaté, je l’ai fait, on a travaillé avec des Occidentaux qui ont une vision assez ouverte sur la façon de collaborer. Je vous assure qu’on trouve des exemples de fusion dans la musique du monde où les musiciens peuvent garder toute leur authenticité. »
Qu’en est-il de la musique pour les jeunes Maliens ? Est-elle aussi en proie à ce dilemme tradition/modernité ?
Afel Bocoum : « La musique malienne est en train de se tarir. Les jeunes ne sont plus intéressés que par les DJ et par le rap. Le rap je n’ai rien contre et certains font passer un message responsable mais beaucoup ne font que du rythme sans rien avoir à dire. Or la musique doit également servir à faire comprendre certaines choses aux gens à les « informer », aujourd’hui plus que jamais. Mais la musique constitue un rêve pour beaucoup de jeunes ici. Beaucoup s’y investissent. Car ils n’ont plus rien d’autre, ils pensent qu’ils ont tout perdu dans la vie : ils n’ont presque pas été à l’école, ils n’ont pas de travail… Du coup, certains préfèrent essayer de continuer ici en faisant du rap ou du DJ et pensent moins à quitter le pays… S’ils s’y retrouvent comme ça, tant mieux, tant qu’ils le font avec une certaine prise de conscience. »
Tout comme Ali Farka Touré, vous et votre musique êtes originaires de Niafunké, on y trouve donc une forte teneur en blues…
Afel Bocoum : « Bien sûr mais il faut bien différencier notre musique, que ce soit celle d’Ali Farka Touré, de Tinariwen, de Bassékou Kouyaté, de celle jouée par les Américains. Notre musique est basée sur des choses qui étaient jouées à l’origine sur des instruments traditionnels comme le njarka, le balafon et autres. Cela a ensuite été transposé avec des notes de guitare qui est un instrument très fidèle à ce qu’on a pu entendre avec ces instruments. La guitare a l’avantage de permettre à tous les autres instruments de pouvoir s’accorder facilement dessus. La spécificité de transmettre notre patrimoine traditionnel sur la guitare c’est Ali qui a été le premier à faire cela. Et c’est ce que nous sommes toujours occupé à faire à présent. La musique des Américains et celle que nous faisons continuent à suivre leurs parcours respectifs. Mais ce qui est sûr c’est que les racines sont en Afrique, sans doute au Mali. Grâce au talent et aux connaissances d’Ali, le bues américain a retrouvé ses origines. Quant à Niafunké, cette ville a ceci de particulier, c’est que du tant de la traite des Noirs, tout le monde y venait pour s’y réfugier, fuyant les razzias. C’est ainsi que beaucoup d’ethnies différentes (Bambaras, Touaregs mais aussi venues d’autres régions d’Afrique) s’y sont retrouvées, avec leur bagage culturel et musical. C’est ce qui nous a permis d’être au carrefour d’influences très diverses. »
C’est vrai que quand on écoute Tinariwen du Nord, Bassékou Kouyaté de Ségou ou bien votre musique, on perçoit le blues mais avec des caractéristiques bien distinctes. La musique de Niafunké serait-elle finalement un trait d’union entre toutes ces musiques maliennes ?
Afel Bocoum : « C’est tout à fait ça. La différence avec les Tamashek (cf. Tinariwen & co), ce sont là des enfants qui ont appris à jouer dans les rues très rapidement; ils ont le solfège, leurs gammes, des rythmes alors qu’à Niafunké, nous sommes beaucoup plus basés sur l’improvisation. Mais j’aime beaucoup ce qu’ils font aussi. »
Dans un de vos nouveaux titres, vous rendez hommage à deux musiciens, Ali Farka Touré et Alhassane Hamada Sarré.
Afel Bocoum : « Ce dernier était l’un des meilleurs violonistes qu’ait connu le Mali. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, il avait une créativité incroyable. Il était également très versé dans le vaudou. Quant à Ali, c’est tant son talent que son humanisme que je voulais souligner. Lorsque je l’ai rencontré, j’avais douze ans. J’étais fasciné par sa musique. Je ne savais pas encore que c’était mon oncle. Je l’ai d’abord écouté tout en me mettant à sa disposition pour lui rendre service et pour chanter, le cas échéant. Si c’est lui qui m’a permis à développer mon chant, ce n’est pas avec lui que j’ai appris la guitare. C’est venu plus tard vers 1968. Ensuite j’ai commencé à l’accompagné officiellement, tantôt pour chanter, tantôt pour jouer de la guitare et cela pendant presque trente ans ! »
Dans beaucoup de vos chansons, vous prodiguez des conseils à vos compatriotes, vous leur faites des suggestions, vous les incitez à réfléchir sur de nombreuses choses… Seriez-vous finalement une sorte de guide ?
Afel Bocoum : « Vous savez au Mali, les gens aiment beaucoup la musique. Donc je profite de ce créneau pour délivrer un message. Je suis loin de tout savoir mais ce que je sais est ancré dans le vécu de mon peuple et je m’informe aussi auprès des médias tout en gardant mon esprit critique. C’est cela que je cherche à partager avec les Maliens. C’est aussi pour ceux qui n’ont pas l’occasion de lire ou d’écouter la radio afin qu’ils puissent se faire une idée et les inciter à réfléchir aussi sur leur condition de vie. Ceci dit, c’est différent de ce que fait le griot qui va principalement flatter ses auditeurs quelle que soient les faits. Alors que moi, je ne veux pas parler pour parler. J’essaie de dire la vérité, d’argumenter, de convaincre. Je crois que la musique permet cela également. »
Quelques chroniques parues dans le dernier RifRaf
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Tony Allen/Jimi Tenor
‘Inspiration Information vol. 4’
Strut
La série Inspiration Information nous a habitué à mettre la barre assez haut (cf. la collaboration Mulatu Astatké/Heliocentrics parue en début d’année). C’est donc avec une certaine fébrilité qu’on écoute le volume 4 qui regroupe deux sacrées pointures puisqu’il s’agit pas moins de Tony Allen (ex batteur des Africa 70 de Fela Kuti) et Jimi Tenor. Selon le principe de la série, ils se sont enfermés en studio pour des périodes de temps limité et le moins qu’on puisse dire c’est que les muses les ont inspirés. On retrouve ce fameux Tony Allen beat (base de l’Afrobeat en somme) sur lequel les arrangements de Tenor sont d’une distinction sans égale : les cuivres légers et souples, les synthés vintages apportant une touche singulièrement futuriste, le recours à quelques percussions exotiques… la patte sonore est éthérée et novatrice (le fantastique et groovy ‘Path To Wisdom’). On aurait pu craindre une collaboration par trop cérébrale ou expérimentale mais la décontraction et l’humour ne sont pas en reste, comme en témoignent ‘Cella’s Walk’ dont l’intro serait une sorte de clin d’œil à l’éthiojazz, ce rapprochement inédit afrobeat/reggae sur ‘Selfish Gene’, le lubriquo-politique ‘Mama England’ ou encore les lyrics grinçants de Tenor qui chante/talk over sur quelques titres. Grâce à ces apports assez diversifiés, on ne peut s’empêcher d’entendre dans cette collaboration comme une pierre angulaire dans les discographies de ces deux grands musiciens et surtout un disque qui va pousser les codes de l’Afrobeat dans de nouvelles directions, ce qui n’est pas chose aisée vu l’Héritage… À quand une collaboration afro-africaine avec des Konono n°1 ou des Abdoulaye Diabaté et autres ? (jd)
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Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba
‘I Speak Fula’
Outhere
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Various
‘Legends of Benin : Afro-Funk, Cavacha, Agbadja, Afro-Beat’
Analog Africa
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Soundtrack Novembre 2009: