Le texte qui suit est extrait de La réalité de l’entrepreneuriat de Guy Kawasaki, traduit de l’américain par Marylène Delbourg-Delphis (Titre original : Reality Check).
1. « J’ai aimé votre société, mais ce n’était pas le cas de mes collègues. » En d’autres termes : « non ». Le capital risqueur qui vous dit cela joue au gentil, à celui qui a compris, donc il vous demande de ne pas le blâmer. C’est une manière de se défiler ; ce n’est pas que ses collègues n’ont pas aimé l’affaire, c’est que lui n’y croyait pas assez. Quand on croit vraiment à quelque chose, on s’arrange pour que cela marche.
2. « Si vous avez un chef de file, nous suivrons. » En d’autres termes : « non ». Comme le dit un vieux proverbe japonais : « Si ta tante avait des couilles, elle serait ton oncle. » Le capital risqueur est en train de vous dire : « Nous n’y croyons pas, mais si vous convainquez Sequoia, nous sauterons sur l’occasion. » Bref, une fois que vous n’aurez plus besoin de lui, ce capital risqueur sera ravi d’investir. Alors que vous voulez entendre : « Si vous ne trouvez pas de chef de file, nous le serons. » Ça, c’est quelqu’un qui a la foi.
3. « Montrez-nous l’intérêt de votre projet et nous investirons. » En d’autres termes : « non ». Ce mensonge se traduit comme ceci : « Je ne crois pas à votre histoire, mais, si vous me donnez la preuve que vous pouvez générer des revenus significatifs, je pourrais me décider. Mais je ne vous dis pas “non” parce que je pourrais avoir tort et j’aurais l’air d’un con si vous signez avec un client qui fait partie des Fortune 500.
4. « Nous aimons investir avec d’autres capital risqueurs. » Vous pouvez vous fier à la rapacité des capital-risqueurs aussi sûrement qu’au lever du soleil. Laquelle se traduit en ces termes : « Quand c’est une bonne affaire, je la veux toute entière. » Vous voulez entendre : « Nous voulons tout. Nous ne voulons pas d’autre investisseur. » Alors, c’est à vous de les convaincre de la raison pour laquelle l’ajout d’investisseurs agrandirait le gâteau au lieu de réduire les parts.
5. « Nous investissons dans votre équipe. » C’est une déclaration incomplète. S’il est vrai qu’ils investissent dans une équipe, vous entendez ceci : « Nous n’allons pas vous licencier – pourquoi le ferions-nous si nous investissons à cause de vous ? » Or, le capital risqueur vous dit autre chose : « Nous misons sur votre équipe tant que tout va bien, mais si ça va mal, nous nous séparerons de vous parce que personne n’est indispensable. »
6. « Nous avons beaucoup de bande passante pour votre société. » Il est possible que ce capital risqueur évoque la ligne Internet à son bureau ; il ne parle certainement pas de son agenda, parce qu’il siège déjà à dix conseils d’administration. Un entrepreneur doit prendre pour hypothèse qu’un capital risqueur va consacrer à la société cinq heures par mois, conseil d’administration compris. C’est comme cela.
7. « Avez-vous une objection au fait que l’un de mes collaborateurs m’accompagne aux conseils d’administration ? » Ce n’est pas un mensonge à proprement parler et c’est une requête apparemment anodine. Mais ne vous imaginez pas que la société les intéresse à tel point qu’ils veulent que deux personnes vous aident. Si vous acceptez, vos conseils d’administration vont se transformer en lieu d’apprentissage pour un MBA qui ne connaît rien à la gestion de société, mais donnera quand même son opinion.
8. « Ce sont des conditions standard. » Cela n’existe pas. Croyez-vous que les avocats d’affaires se font payer 500 dollars de l’heure pour écrire des conditions standard ? C’est pour cela que les entrepreneurs doivent eux aussi avoir des avocats à 500 dollars de l’heure.
9. « Nous pouvons vous ouvrir des portes dans nos autres sociétés. » C’est un mensonge et une malédiction. D’abord, un capital risqueur ne peut pas toujours ouvrir ces portes, car il peut arriver que la direction de la société le déteste – et donc une recommandation de sa part risque de provoquer l’effet contraire. Ensuite, vous ne pouvez pas sérieusement espérer que cette société s’engage sur votre produit ; tout au plus, vous lui ferez votre pitch.
10. « Nous aimons investir en phase d’amorçage. » Les capital risqueurs rêvent de mettre 1 million de dollars dans une société de 2 millions pre money, espérant posséder 33 % du prochain Google. C’est cela, investir en phase d’amorçage. Mais savez-vous pourquoi nous avons tousentendu parler du fabuleux retour sur investissement de Google ? Pour la même raison que nous connaissons tous Michael Jordan : les Google et les Michael Jordan ne courent pas les rues… Si c’était le cas, personne n’en parlerait. Si vous grattez la surface, les capital risqueurs veulent investir dans des équipes qui ont fait leurs preuves (comme les fondateurs de Cisco), avec une technologie qui a fait ses preuves (justifiant par exemple l’attribution d’un prix Nobel), dans un marché qui a fait ses preuves (qui croît, par exemple, de 30 % par an) et où il n’y a pas de concurrence. Leur hantise du risque est d’autant plus flagrante que ce n’est même pas leur argent.
Que faire quand vous entendez ces mensonges ?
D’abord, pour les mensonges 1, 2 et 3, quand un capital risqueur vous dit « non », passez à la suite. Ou bien un capital risqueur procède à l’audit (appelle vos références, parle à vos clients et rencontre d’autres personnes dans votre équipe), ou bien il n’est pas intéressé et, dans cas, ne perdez ni son temps ni le vôtre.
Pour les mensonges 4 à 10, comprenez que lorsqu’un capital risqueur vous dit qu’il est merveilleux et prêt à vous soutenir, il ment. Il peut même ne pas se rendre compte qu’il le fait, mais c’est pourtant le cas.
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