Cet homme, adulte, père de famille, va perdre sa mère. Elle ne dit rien sur son passé, sa famille a été tuée dans les camps nazis et… et puis… Et puis elle meurt. C’est alors que tout se délie, tout commence à prendre du sens. Cette mère de famille, parisienne juive, pharmacienne, récupérant des antiquités autant que des cadeaux la redoute va montrer ses différents visages.
La mémoire des objets est importante dans cette vie-là : un samovar autour duquel elle parle russe, des antiquités japonaises, un poignard. Cette dispersion à sa mort, objets sans sens pour les petits-enfants, avec pour les enfants. Un manque en objets, symboliques d’une vie entre parenthèse, des bijoux pour partir avec le plus vite possible un gros montant d’argent au cou, du luxe pour savoir le mener en dérision, et quand l’appartement est vide, tout se comprend : « une somme de détails presque insignifiants qui, pour mon œil attentif, sont autant de symptômes d’un désordre profond. Rien ne peut y remédier. L’ordre : quel sens donner à ce mot sans la présence de ceux qui l’ont défini ? »
*source netsuke animaliers netsuke animaliers en ivoire dont un lapin, voir billet de Lily
Des objets ou des courriers comme preuves de vie : des relations par lettres interposées, parentales ou de couple. Les conventions, les débuts d’un quiproquo peut-être et puis la législation qui a une part belle dans l’œuvre. Une politique des papiers véritable personnage de l’histoire. Les détails deviennent une vie, le commerce de peau de lapin, la villa, l’arrestation ne sont que des maillons.
Et puis cette mémoire, ce devoir de mémoire, prend un nouveau sens à la lecture de ce livre. « La France se reconstruit dans l’oubli de ces épisodes avec la complicité active – j’en suis le fruit- des « israélites » assimilés, tous d’accord pour ne pas se singulariser. Mieux vaut l’ignorance et l’oubli que l’identification, source de réparations peut-être, mais surtout d’ennuis sérieux présents ou à venir. »
C’est aussi, et surtout, l’histoire d’un amour filial. De parole, de honte, de non-dits, de leçons de vie qui, après, deviennent de vrais cadeaux de vie. Et cette présence des dernières années : « L’agonie des vieillards, ces anciens adultes superbes, dont les visages resplendissants reviennent à l’esprit lorsqu’on les voit, misérables, perdus dans leur chemise de nuit, ombres décharnées et mutiques, cette agonie est intolérable. »
Merci encore Lily pour cette lecture. N'hésitez pas à lire son billet (au début du mien) pour reprendre aussi la mise en image par le film, "l'os du livre pas la chair"....