Comme vous le savez, Owni est né lors de la bataille contre Hadopi. A travers la soirée “Hadopi m’a tuer”, nous avions déjà essayé d’encourager le dialogue entre les artistes, leur public et les professionnels de l’industrie du disque. Ces derniers jours à nouveau, nous avons poursuivi cette démarche grâce à l’interview de Diane Tell réalisée par Enikao. J’ai sollicité la fougueuse Pamela Hute pour continuer sur cette lancée. J’avais déjà eu l’occasion de voir Pamela sur scène et d’apprécier, en plus de sa musique, la manière dont elle utilise les réseaux sociaux, particulièrement son blog. Son point de vue d’ “artiste en développement” est très intéressant, et elle secoue parfois certaines de nos certitudes … —
Tu as récemment exprimé sur ton blog ta vision de Myspace, plateforme de moins en moins fréquentée mais extrêmement complète, puisque “Personne n’a fait mieux depuis”. Depuis quand as tu pris la décision d’utiliser les réseaux sociaux et de développer ta “présence en ligne” (ton blog, Twitter, Myspace ou encore Facebook) comme un élément de communication ?
Cela fait plus de 10 ans que j’arpente le net, même mon groupe au lycée avait un site web ! Je me suis inscrite sur myspace en 2006, un peu après l’explosion du réseau; myspace était essentiel jusqu’en 2008 pour tout groupe débutant. J’ai ensuite migré vers facebook, puis plus récemment twitter. J’ai toujours accordé beaucoup d’importance à ma présence sur internet. Une communauté se créé naturellement autour d’un artiste même si il n’est pas très connu. Internet cristallise cette réalité dans un univers virtuel, mais cela demeure le miroir de la réalité. L’idée est de faire grandir cette communauté, autour d’un blog, d’un site etc. Internet est un espace de visibilité et de communication incontournable pour un artiste en développement comme moi. Il ne remplace pas les médias traditionnels, mais il les complète. Fais-tu un usage différencié de ces différentes plateformes et considères-tu que cela fait partie de ton travail en tant qu’artiste ?
Comme je disais précédemment je pense qu’il est difficile aujourd’hui d’exister sans se construire une visibilité sur internet. Ce n’est cependant pas une fin en soi et le travail de promotion d’un artiste dépasse largement les frontières du net. Mon compte Facebook, Myspace et Twittersont plus au moins liés en permanence et j’y distille les mêmes informations, je n’ai pas le temps de faire un vrai usage différencié de chaque plateforme, et je pense que c’est inutile. L’important est que l’information circule. Es-tu toi même lectrice de blogs, et que penses-tu du rapport aux lecteurs, à la communauté, que cela introduit ?
Je lis quelques blogs, occasionnellement, mais je n’ai pas d’habitude particulière. Je zappe beaucoup sur internet. Je pense qu’internet a mis en exergue ce besoin humain de communauté, ce désir de débattre à l’infini, cette course à la communication à tout prix. Un blog s’inscrit dans la tradition de la presse écrite; un journaliste pose un point de vue sur un sujet et une communauté de lecteurs fidèles s’y intéresse. Le problème est que la plupart des blogs sur le net sont de vrais torchons, mal documentés; et que les lecteurs règlent leurs comptes dans les commentaires. Le débat est souvent au ras des pâquerettes. Si cette démocratisation réserve de belles surprises, car il a beaucoup de blogs de personnes lambdas qui s’avèrent passionnants, elle a également ses limites.
La signature sur un label n’était pas un objectif en soi, puisque nous avons travaillé plus de 4 ans tous seuls et que nous avons réussi à faire plein de choses sans label. Cependant, au printemps dernier, nous commencions à tourner en rond et à être en difficulté au niveau financier. Nous n’avons pas démarché Guess What? mais cette opportunité est apparue au bon moment pour le projet. J’étais prête à passer à l’étape supérieure mais tous seuls nous n’en n’avions plus les moyens. Quels changements cette signature a-t-elle provoqué sur ton travail en général et sur la sortie de ton prochain album en particulier ?
Le changement est essentiellement structurel pour le moment. Je suis encadrée par une structure juridique, ce qui change de la débrouille alternative, aussi sérieuse soit-elle. Le label est producteur et investit désormais dans le projet, je suis entourée d’une équipe qui défend le projet auprès des médias et ce à une échelle bien supérieure à ce que nous pouvions faire en indépendant. Le label nous offre naturellement une visibilité plus importante. Nous serons à l’honneur lors d’une enquête du magazine Envoyé Spécial jeudi 19 novembre sur France 2 et quinze jours après, le 3 décembre, nous jouons au Bataclan en première partie de Shakaponk. Voilà déjà deux chouettes actualités qu’il aurait été difficile d’obtenir sans Guess What. Quant à moi, je suis beaucoup plus concentrée sur la partie artistique qu’auparavant. Consciente des évolutions de l’industrie du disque liées à la dématérialisation des contenus, que penses-tu de la loi Hadopi, et plus généralement des possibilités d’évolution du modèle économique de l’industrie de la musique (plateforme de streaming, projets alternatifs tels que kisskissbankank) ?
Je ne suis pas convaincue par la forme que prend Hadopi, mais je suis assez d’accord avec le fond. Je pense que cette loi a une valeur éducative. La musique ne sort pas de nulle part, elle est le résultat d’une chaîne de travail bien précise qui impliqué des compétences très pointues. On ne peut pas brader l’art si facilement, c’est dénigrer toute une profession. Je crois qu’il faut expliquer cela aux intéressés, aux jeunes qui piratent sans forcément avoir de réelles mauvaises intentions. Hadopi va certainement permettre une prise de conscience qui sera bénéfique à l’industrie. Reste à améliorer l’offre légale, qui demeure à mon sens assez perfectible. En ce qui concerne les modèles économiques type labels participatifs, je suis très perplexe. A part le carton très finement orchestré de Grégoire sur My Major Company, les autres artistes n’ont pas marché. Les sites de ce type fleurissent, proposent des contrats miteux et honteux aux artistes qui sont mal informés, et la qualité artistique de ces labels laisse bien souvent à désirer. Je regrette qu’internet soit ainsi un lieu d’expérimentations douteuses et d’arnaques. Le métier de la musique requiert des compétences, avant toute chose. Le marché est chaotique et aucun modèle satisfaisant n’a encore émergé, ce n’est pas une raison pour que n’importe quel pseudo-mélomane s’improvise directeur artistique et président de label. Enfin, le phénomène du streaming est aussi très discutable. Ce n’est pas un modèle qui marche, malgré tout le bien qu’on nous en dit. Un catalogue époustouflant est disponible… alors pourquoi les gens iraient acheter un vulgaire mp3 alors qu’ils peuvent se faire leur compilation gratuitement en ligne, et que la majorité se contente d’écouter des titres sur les enceintes pourries de leur ordinateur? La qualité déplorable du streaming s’accommode fort bien de ces contraintes … Pour l’instant tous ces modèle sonnent un peu faux. Tu as un rapport plutôt geek à tes guitares, te considères-tu comme faisant partie de la grande communauté geek ? (et je ne parle pas des lunettes
Je n’appartiens à aucune communauté en particulier je crois… pire ! la communauté m’angoisse. Mais je me sens proche de la technologie, et j’ai une passion pour le vieux matériel, oui. Le geek est devenu trop hype. A la limite, je me sens plus nerd… le nerd étant sociopathe, mégalomane, et toujours affublé de superbes lunettes vintages ! Bien plus classe en fait. Pour finir, as-tu une date pour la sortie de ce fameux album, des concerts de prévus, un coup de cœur musical à partager ?
Pas de date précise encore, certainement février-mars 2010. J’ai découvert cette semaine le premier album de Tahiti Boy and The Palmtree Family, artiste pop français au talent fou. J’en parle sur mon blog et je vous recommande d’écouter son superbe premier opus.