Négocier une mobilité internationale en période de crise, qu'il s'agisse du statut ou du type de contrat, ne s'improvise pas. Marche à suivre avec Jacques-Olivier Meyer, dirigeant d'Intelfi, cabinet de conseil en Ressources humaines internationales.
Priorité n°1 des entreprises en période de crise : se positionner sur les marchés en croissance, souvent lointains et bien plus exposés à la concurrence que les marchés domestiques, y compris sur les conditions d'emploi (statut, rémunération, avantages). Négocier une mobilité internationale dans ce contexte requiert une connaissance fine de la région ou du pays visé, un véritable projet professionnel et personnel, une adaptabilité à toute épreuve à des conditions changeantes, parfois à très court terme et un pragmatisme absolu quant à la négociation de ses conditions de mobilité (statut, réseau, pratique). Pour autant, si l'entreprise choisit d'exporter des compétences et ceux qui les détiennent, c'est bien parce qu'elles n'existent pas en local. Il est donc légitime de négocier et d'obtenir des «plus» par rapport au statut des salariés locaux.
Voici quelques points de méthode pour s'engager dans cette voie :
I - Le contrat international : au cas par cas
Le contrat de travail international type n'existe pas. C'est la combinaison de 3 facteurs qui définit le statut d'un salarié en mobilité internationale :
1. le coût, sous contrôle de la DRH et de la Direction financière et de la filiale qui emploie le salarié.
Ce qui coûte : la rémunération, la protection sociale et les mesures d'accompagnement de la mobilité
2. le niveau de protection accordé, notamment quant aux conditions de retour, question d'ordre juridique, sous le contrôle de la DRH centrale et/ou du Comité de direction (PME)
3. la qualité de gestion des emplois et des carrières, pour sa partie prévisionnelle, sous la responsabilité des opérationnels et de la DRH, nécessitant pour être efficace l'implication de la direction générale
On rappelle ici que la crise a pour effet d'accroître le taux d'échec au retour; au sein des sociétés du SBF 120, 1/3 des «expatriés» quitte l'entreprise dans les 2 ans suivant son retour, pas toujours de son plein gré. Ce taux d'échec est d'abord conditionné par ces 3 facteurs à négocier avant le départ (cf.supra), parfois plus que par la qualité des réalisations du salarié à l'étranger.
II - Les différents statuts, les pratiques de crise
Le détachement (5% de la pratique des entreprises) permet une affectation dans un autre pays tout en conservant le bénéfice intégral d'une protection sociale dans le pays d'origine, sans suspension du contrat d'origine. C'est le statut le plus protecteur pour le salarié, désormais le moins utilisé car très coûteux. Il est encore obtenu par des dirigeants au niveau direction de filiale ou expertise.
L'expatriation (30%) «localise» le salarié tout en lui garantissant la reprise des effets de son contrat de travail d'origine au terme de l'expérience à l'étranger. Selon qu'on s'expatrie en Europe ou hors Europe, les incidences, notamment sur le retraite peuvent être majeures. Hors Europe, la compensation de la retraite est une question à négocier, au même titre que le contenu du poste, la rémunération et les mesures d'accompagnement (professionnelles, familiales, personnelles) de la mobilité.
Sous contrat local (55%) le salarié se retrouve à égalité avec le personnel local. Sauf négociation volontaire, il ne dispose plus d'aucune garantie de réemploi dans son pays d'origine, son contrat d'origine ayant été rompu au moment du départ («contrat local» stricto sensu : 20%). C'est pourquoi il est souhaitable de négocier des mesures d'accompagnement afin d'obtenir un «contrat local +» (35%). Ces mesures peuvent porter sur :
* le statut au moment du retour dans le pays d'origine
* des mesures d'accompagnement financier de la mobilité, dégressives ou versées une seule fois
* la prise en charge, partielle ou totale, des compensations pour la retraite
Le «commuting» et la mission internationale (5%) sont des statuts généralement négociés pour des durées courtes (environ 1 an) et permettent de mobiliser dans des pays limitrophes des managers ou des experts qui retrouvent chaque week-end leur pays d'origine. C'est le statut qui, du point de vue de l'entreprise, est le moins coûteux puisque ces déplacements réguliers n'ont pas pour l'entreprise d'autre conséquence que de régler au salarié ses frais de déplacement et d'hébergement.
Le VIE (Volontariat International en Entreprise) est un statut réservé aux jeunes diplômés. Il s'applique à 5% des mobilités internationales et permet aux entreprises souhaitant se développer à l'Export d'utiliser à un coût restreint les compétences et l'engagement de jeunes diplômés. L'objectif de 10 000 VIE en 2009 (Ubifrance) représente à la fois un avantage pour les entreprises (coût très compétitif) et un degré de liberté en moins pour ceux qui auraient souhaité négocier certaines de leurs conditions, du moins avec le siège de leur entreprise en France.
Aujourd'hui, la majorité des salariés tentés par l'international recherche une expatriation, alors que les entreprises annoncent privilégier le contrat local. Doit-on absolument se battre pour obtenir une expatriation ?
Pas nécessairement. En effet, bien négocié, un contrat local peut s'avérer du point de vue du salarié équivalent, voire plus avantageux qu'un contrat d'expatriation. Stricto sensu, la reprise des effets du contrat de travail d'origine ne présente pas d'intérêt si aucun poste correspondant aux compétences du salarié n'est disponible au moment du retour.
Enfin, si l'entreprise ne souhaite accorder ni statut d'expatrié, ni contrat local +, la question d'un recrutement local, plutôt que celle de l'envoi d'un salarié dans le pays, mérite d'être posée.
Source : http://www.lexpansion.com/carriere/formation-professionnelle/crise-quel-statut-negocier-a-l-international_179080.html