"A force d'abandon, nous avons fini par ne plus savoir très bien qui nous étions. A force de cultiver la haine de soi, nous avons fermé les portes de l'avenir. On ne bâtit rien sur la haine de soi, sur la haine des siens et sur la détestation de son propre pays", ainsi parlait Sarkozy 1 bien décidé à ne pas abandonner de voix nationalisantes en prévision des prochaines élections régionales. C'est donc l'infidèle Eric Besson qui lance la machine étatique destinée à imposer un débat sur le sujet ce qui tombe plutôt bien car des sujets il n'y en a guère.
C'est l'avantage d'avoir un parti majoritaire qui n'a que le mot réforme à la bouche, à force de tout réformer unilatéralement pas simple de trouver un thème de discussion. La crise, les destructions d'emplois, la renaissance du capitalisme financier, l'errance des politiques, le devenir des systèmes de retraite et de sécurité sociale n'étant pas tendance...Notez que cela aurait pu être pire on aurait pu se taper un débat national sur “Les chevaliers paysans du Lac Paladru en l'an Mil" comme l'évoquait joliment un film d'Agnes Jaoui voire "C'est important d'être à la mode ? justifiez votre réponse". Finalement on ne s'en sortait pas si mal avec ce truc somme toute assez connu, le bleu-blanc-rouge, la Marseillaise, la terre, le travail, la famille, la patrie tout ça. Et alors que l'on esquissait à peine les premières tendances vla t'y pas que se présente l'évènement fédérateur par excellence : un match décisif de l'équipe de France pour participer à la Coupe du monde ! et qui plus est face à un petit pays où l'identité n'est pas un vain mot et se caractérise notamment par le port altier du vert et une propension naturelle à ingurgiter de la Guinness qu'il vente ou qu'il pleuve et d'ailleurs surtout quand il vente et il pleut. Etendards de sortie, gorges déployées, l'heure était à la mobilisation au Stade de ... France. Aux armes citoyens tout ça et c'était parti pour une bonne séance de construction de notre identité comme il dit Nicolas, destinée à nous ouvrir les portes de l'Avenir. J'étais un brin sceptique faut reconnaître mais il avait raison Nico. Bon je l'ai trouvé petit d'arriver en retard discrètement de peur de se faire siffler mais il avait raison. La séance terminée, les portes de l'Afrique du Sud se sont ouvertes c'est déjà ça. Par contre pour ce qui est de l'identité, j'ai l'impression que c'est un peu compliqué. Il faudra le remettre à demain vu qu'à une main cela pause des problèmes de conscience. Thierry Henry ayant volontairement redressé la course du ballon avec ses doigts musclés sans que l'arbitre n'y trouve rien à redire. La France a donc gagné mais sans respecter les règles du jeu, en trichant, c'est le scandale, la honte, la déchéance de toute une nation qui, du coup ne veut surtout pas être identifée. Aïe. Bonjour le lendemain de beuverie et la crise de foi. Comprenez bien, ce succès acquis sur une faute c'est une insulte à notre esprit éclairé, celui des Lumières (pas celui de "casse toi pauvre con"), c'est une infamie mondiale à notre universalité espérée.
Ce'st aussi une belle connerie. L'arbitre est seul maître à bord avec ses deux assesseurs, il n'a rien vu, rien sanctionné alors, comme dans des milliers d'autres cas dans l'histoire du sport le résultat est ainsi. Le résultat qui n'a pas à être juste ou mérité, mais juste à être là. Et si l'attaquant français a touché le ballon de la main, ses homologues irlandais en avaient fait de même dans les minutes précédentes. Et si l'arbitre n'a pas bronché, il n'a pas bronché non plus lorsqu' Anelka est touché par le gardien vert à l'instar d'Evra au match aller. Et si les irlandais se sentent floués, ils n'ont qu'à inviter les Georgiens pour une séance de consolation collective, eux-même ébranlés par un pénalty imaginaire sifflé au profit de l'Eire qui, pour le coup n'en manqua pas. Ne proposa pas non plus de rejouer le match ou de rater volontairement le tir d'ailleurs.
De cet épiphénomène, une gronde tenace s'est élevée au nom de la France, de ses valeurs, de son image. Des milliers de bons petits français pourtant sûrement peu exigeant avec eux-même, se sont trouvés une cible pour s'offusquer à foison. Dans un pays où l'on paye si peu l'impôt que l'on doit, où l'on s'accommode tant des lois par copinage ou pression, ou l'on râle volontiers de chaque contrainte pour mieux s'en dédouaner, et bien là on est scandalisé. Au point que, et c'est Jacques Attali qui le dit, "Nous sommes tous irlandais". Attali qui le dit, ce magnifique repris de justesse, relaxé de l'Angolagate si piteusement, habitué des dictatures africaines du moment qu'elles sont rémunératrices, inquiété par la justice russe pour ses liens étranges et coûteux avec la ville de Saint Petersbourg, c'est ce gars là donc qui a aujourd'hui comme bien d'autres, un problème de conscience avec le ballon rond. Fichtre.
Quand l'opium du peuple monte à la tête voilà qui donne la nausée et des lendemains bien comateux. Allons donc, renvoyer des réfugiés afghans dans leur pays en guerre est donc assurément plus acceptable que de toucher un ballon de la main. Pauvre France dont les errements émotionnels traduisent bien ce qu'elle est : une petite nation de petites gens dirigés par de petits esprits à courte vue (et haute talonnette). Et qui ne l'accepte pas. Autant l'accepter pourtant et dès lors normal d'accepter que l'un des nôtres braconne, rapine parce qu'à la régulière ça ne marche pas. Comme un Inzaghi qui a fait gagner des dizaines de matchs en plongeant, Maradona en s'agrandissant, Schumacher en démolissant, Tapie en achetant ou Paolo Rossi en se dopant.
A croire que le fait de déterrer le tristement célèbre travail-famille-patrie a ravivé chez de nombreux compatriotes le souci de dénoncer et de collaborer avec l'Autorité au nom de valeurs morales et pourquoi pas d'un ordre nouveau tant qu'on y est ?
L'Irlande malgré la faiblesse insondable de la France lors de ce second match n'a jamais été en position d'aller en Afrique du Sud, faut quand même le faire !
Maintenant je veux bien croire qu'ayant une haute opinion de nous-même nous nous créons de drôles d'obligations. Mais de grâce redescendons sur terre, n'est pas Cyrano qui veut, ni Henry, ni vous, ni moi :
"Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès ! Non ! Non ! C'est bien plus beau lorsque c'est inutile ! -qu'est-ce que c'est que tous ceux-là ? -vous êtes mille ? Ah ! Je vous reconnais, tous mes vieux ennemis ! Le mensonge ? (il frappe de son épée le vide.) tiens, tiens ! -ha ! Ha ! Les compromis, les préjugés, les lâchetés ! ... (il frappe.) que je pactise ? Jamais, jamais ! -ah ! Te voilà, toi, la sottise ! -je sais bien qu'à la fin vous me mettrez à bas ; n'importe : je me bats ! Je me bats ! Je me bats ! oui, vous m'arrachez tout, le laurier et la rose ! Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose que j'emporte, et ce soir, quand j'entrerai chez Dieu, mon salut balaiera largement le seuil bleu, quelque chose que sans un pli, sans une tache, j'emporte malgré vous, (il s'élance l'épée haute) et c'est... (l'épée s'échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau. Roxane: c' est ? ... Cyrano : mon panache."
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