Péniches, ligne claire et figures géométriques

Par GoudurixYZ
Illustrations : Restez vivants !

J’aurai 5 minutes de retard, il faut que j’aille échanger mes slips H&M, ils ne me maintiennent pas assez. Rendez-vous chez Gibert devant le rayon des 45 tours de Morrissey. Une heure plus tard, aussi vite qu’il n’en faut pour le dire, Jacno, le jeune gens moderne et Christian Barbier, l’homme (du Picardie), pas du, mais pas du tout moderne, n’étaient plus là. Partis presque en même temps sans crier gare. Claude Levi-Strauss leur volant la vedette, lui qui à mon avis ne tenait pas sa célébrité pour ses qualités de philosophe. Je plains celui qui mourra le même jour que Johnny Halliday.
Alors que Hong Kong Fou-Fou se prélassait dans son luxueux chalet, Billy Bremner de… Restez vivants ! et moi battions le pavé humide (non, pas celui de la rue Saint Denis, mon cher patron), méditant sur le temps qui passe. Sur le coup, j’avais d’abord eu envie de me déguiser en Père Noël et d’aller distribuer des cartes de  Fury Magazine sur les grands boulevards, avant de me ressaisir, tel un vieux marin d’eau douce. Plus tard, assis sur le Pont des Arts, les pieds dans le vide, nous hélions les péniches qui remontaient la Seine dans la nuit. Ce soir-là, nous étions tous des hommes du Picardie.
Une vedette, l’homme du Picardie n’en était pas une. Normal, on ne met pas une vedette dans une péniche. Une vedette, Jacno n’en était pas une, né du mauvais côté du Channel, malédiction hexagonale oblige. Un comble pour celui qui connaîtra le succès avec Rectangle. Tant qu’à (ne rien) faire, reprenez votre DVD de l’Homme du Picardie. Reprenez votre CD du premier Jacno. Regardez le générique de l’un avec la musique de l’autre : grand moment de solitude assuré. Attention, cela ne marche que si l’on est seul chez soi.
Mais trêve de blabla, passons aux choses sérieuses.
Jacno : "Une fête a été organisée à Bruxelles. Comme on m’avait demandé qui je souhaitais inviter, j’avais cité en premier Hergé et Franquin. Le soir du raout, je n’en croyais pas mes yeux : Hergé était venu ! J’en ai surtout pas cru mes oreilles quand il m’a dit : "J’écoute votre morceau tous les matins, ça me met de très bonne humeur, comment pourrais-je vous remercier ?". Timidement, j’ai répondu que c’était moi qui le remerciais : "Grâce à vous, depuis que je suis petit, je plane". J’ai eu beau insister que j’avais une dette envers lui, il a réitéré sa question. Et comme c’était un homme à la fois intelligent et visiblement délicat dans ses attentions, il a usé d’un détour pour me faire plaisir.
- Quel est votre personnage préféré ?
- Le capitaine Haddock.
- Ca tombe bien, moi aussi. Je vais vous faire envoyer une planche originale des Picaros.

Le soir même, à mon hôtel, un livreur m’a apporté la planche. Sans doute, Hergé avait-il deviné mon amour alors immodéré pour les boissons fortes, car la planche en question était celle où Tournesol refile à Haddock la pilule qui lui rend insupportable le goût de l’alcool.

Depuis, j’ai appris qu’a cette époque, le père de Tintin s’intéressait de plus en plus à la peinture moderne et contemporaine. Il s’était particulièrement intéressé à l’abstraction géométrique, aux toiles de Fernand Léger. Avec mon Rectangle, il devait se sentir en harmonie ! Il y a un détail qui en dit long sur la malice d’Hergé. A la planche était jointe une carte.

"J’ai barbouillé cette planche au feutre pour que vous ne la vendiez pas."

Le barbouillage en question était sa signature, qui évidement donnait encore plus de valeur au cadeau !"

Hergé, Debbie Harry, Andy Warhol, Johnny Rothen, Alain Pacadis, Florian Schneider, Malcom Mc Laren, … Le cortège funéraire devrait avoir fière allure…

Ce soir, la France joue sa qualif pour la Coupe du Monde. Rien que pour voir la tête de Domenech, je ne serais pas contre une défaite. Sinon, il pourra tranquillement penser à sa liste des 23. La mienne a pris un sérieux coup dans l’aile : Chaland, Michel Dénériaz, Patrick Mc Goohan, Georges Best, Christian Barbier, Jacno… Maitre Capello, tiens bon !

Le mot de la fin, il est bientôt 20h30. Page 194, Jacno finissait son livre comme ça : "Il y en a de sublimes (épitaphes). Par exemple, celle imaginée par Francis Blanche : "Je suis plus intéressé par le vin d’ici que l’eau de là."

Et comme disait Pierre Dac, "Si la vérité est dans le vin, qu’elle y reste !"

Avec la Dinky toy                                                  Avec les Stinky toys

P.S : Lors du premier blabla (page 28) sur l’Homme du Picardie, j’avais omis de raconter que faute d’Homme du Picardie N°2, N°3, …, Christian Barbier s’était reconverti dans les produits… capillaires (les laboratoires Christian Barbier). Aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi, j’ai moins de scrupules…

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