Nicolas Sarkozy, préparant son allocution devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles le 22 juin dernier, se vit souffler l’idée d’un grand emprunt national par son très écouté conseiller spécial Henri Guaino. Pour financer des « priorités nationales », qui devaient être définies « par concertation ».
Cette annonce et cet engagement ont donc abouti au rapport de la Commission Rocard-Juppé, disponible sur Internet depuis le 19 novembre. http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/094000547/0000.pdf
Écrit dans le plus pur style technocratique, sorte de novlangue consensuel, ce document, facile à résumer (par son seul titre « Investir pour l’avenir »), n’est pas facile à critiquer car, au-delà d’un constat d’une grande banalité (« Le monde doit faire face à des risques et des défis majeurs », « L’économie est globalisée, la compétition aussi », « Un modèle de développement plus durable est à construire », « Un effort exceptionnel d’investissement s’impose »…), ses propositions d’« axes » de développement sont également de nature à recueillir l’adhésion du plus grand nombre :
- Soutenir l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation ;
- Favoriser le développement des PME innovantes ;
- Accélérer le développement des sciences du vivant ;
- Développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion
des ressources ;
Faire émerger la ville de demain ;
Inventer la mobilité du futur ;
Investir dans la société numérique.
Mais quel est donc le pays quel est donc l’expert qui aujourd’hui pourrait dire le contraire ?
La question n’est donc pas là.
La question est plutôt : faut-il faire confiance à la sphère publique plutôt qu’à la sphère privée pour atteindre ces résultats ? Et, en conséquence, faut-il encore accroître la dette publique pour ce faire ?
Sur le premier point, nous sommes suffisamment instruits par l’expérience des 35 dernières années.
Déjà, en 1975, après le triplement des prix du pétrole brut, on vit fleurir les plans sectoriels et les aides aux « filières ». Sans que la France soit plus performante. Car on a jamais vu l’Etat dépenser l’argent des contribuables avec plus de jugement que ceux-ci. Les entreprises privées le font parfaitement quand elles n’ont pas été sorties du marché par ces interventions intempestives.
En matière économique, les belles phrases et les beaux rapports sont une chose, le développement concret en est une autre.
Sur le deuxième point, remarquons que la proposition de nos deux anciens Premiers ministres, pouvait difficilement être plus modeste : 35 milliards d’euros, dont 13 proviendront des remboursements des banques, le reste émis en deux fois sur le marché financier.
S’agissant de la dotation en capital des universités devenues autonomes, pour 10 milliards d’euros, sans doute est-ce la conséquence incontournable de leur nouveau statut d’autonomie.
Là, comme pour les autres « actions », le mini « grand emprunt » se substituera au budget de l’Etat. Le déficit public apparent ne sera pas aggravé, même si le niveau de l’endettement le sera. Car, comme on l’aura remarqué, notre Président de la République dit vouloir « lutter contre les déficits publics », tout en augmentant « les investissements publics », donc la dette…