Difficile de croire qu'un match de football, fut-ce un match de qualification pour la Coupe du monde, puisse générer en déchaînements d'agressivité et
de haine. Et pourtant, c'est ce qu'on a vu après la double confrontation Egypte-Algérie au Caire et à Khartoum. Des vidéos entrevues sur des sites de partage de vidéos comme Youtube ou
Dailymotion montrent des supporters ensanglantés, d'autres brandissant des armes blanches. Des commentaires vindicatifs, haineux et racistes essaiment les forums sportifs mais également
politiques. Que s'est-il passé pour qu'on en arrive là?
Tout a commencé avec les préparatifs du match retour au Caire. Défaits par l'Algérie lors du premier match par un score de 3 buts à 1, l'équipe égyptienne,
formidable formation, n'avait pas le droit à l'erreur et devait gagner par 2 buts d'écart pour espérer un match de barrage. Les médias égyptiens se sont mis à haranguer leur sélection et mettre
de la pression sur le onze algérien. Les encouragements étaient sportifs au début mais au fur et à mesure que le match décisif approche, les discours médiatiques ont commencé à prendre un ton
plus agressif et plus surprenant. Des analystes "sportifs" et des animateurs de télévision très populaires en Egypte (Moustapha Abdou, Amr Adib, Medhat Chalabi...) ont commencé à traiter le
peuple algérien de tous les noms. L’animateur Moustapha Abdou de la chaîne de télévision Dream qualifie ainsi les Algériens de bâtards,
voyous, lâches... et les Algériennes de prostituées et de maquerelles des ruelles de Paris. Selon ces animateurs égyptiens, c'est grâce à l'Egypte que l'Algérie est nourrie, élevée et éduquée,
etc. Des propos encore plus scandaleux sont répétées à longueur de journée par les autres chaînes satellitaires égyptiennes Nile Sport, Al-Hayat... Résultat de ce déchaînement médiatique: dès
l'aéroport du Caire, l'équipe algérienne a reçu un accueil très hostile. Son
bus est caillassé et trois joueurs sont blessés. Les bus des supporters recevront plus tard la même
addition.
Bien évidemment, du côté algérien ce n'est pas l'angélisme qui règne. Les médias (Echorouk
en tête) prennent une part de responsabilité dans la grande animosité qui régnait au sein des supporters algériens après le match de barrage à Khartoum. Leurs articles sont loin de toute analyse
saine d'un quelconque évenement sportif. Leurs billets sont bourrées d'insultes gratuites brassant le religieux et l'historique. Ainsi, sous la plume d'Echourouk et à cause d'un simple
match de foot, les Egyptiens deviennent des traitres à la cause palestinienne, des voleurs, des espions... Ces diatribes font vendre du papier. Pour preuve, Echourouk s'enorgueillit d'avoir vendu 1.5 millions d'exemplaires le jour du match.
Si de tels dérapages médiatiques s'expliquent par l'éternelle course à l'audimat, des dérapages au niveau politique sont difficilement explicables et encore moins
excusables. A Khartoum et juste après la qualification de l'équipe algérienne, Alaa Moubarak, le fils aîné du président égyptien a qualifié les supporters de l'Algérie de "mercenaires et de terroristes".
Il a ajouté qu'il y a "quelque chose d'étrange en Algérie. Un mélange de méchanceté et de rancune contre l'Egypte." Un avis largement répété par la classe politique égyptienne sur les médias
satellitaires. Samedi 21 novembre, c'est Hosni Moubarak, le président egyptien, en personne qui est monté au créneau. Dans un discours au parlement égyptien, retransmis en direct à la télévision,
Il fustige l'Algérie sans la nommer en la mettant en garde parce que l'Egypte "ne tolèrera pas ceux qui blessent la dignité de ses fils." Pour Hosni Mouabarak, président depuis 1981, l'occasion
est d'or. Il profite habilement de cet élan nationaliste pour redorer son blason et surtout, réussir enfin à imposer son fils Jamal comme successeur potentiel. Ce dernier était en effet bien
placé stratégiquement à tous les récents déplacements de l'équipe nationale égyptienne réussissant même à apparaître sur la chaîne satellitaire Al-Hayat comme le sauveur des supporters égyptiens
"encerclés" par les "barbares" Algériens. Opium du peuple, quand tu nous tiens!