Visage de Tsai Ming-liang : Le naufrage...

Publié le 21 novembre 2009 par Diana
Dernier film du cinéaste taiwanais à ce jour, Visage (2009) de Tsai Ming-liang prend place en grande majorité en France, au Musée du Louvre. On y suit un tournage où un réalisateur Taïwanais met en scène l’histoire de Salomé, le rôle du roi Hérode tenu par Jean-Pierre Léaud. On suit les péripéties de ce tournage tout particulier…
Le Cinéma de Tsai Ming-liang n’est pas facile d’accès, un cinéma contemplatif peu enclin à ravir nombre de personne. Il est aussi perçu comme un cinéaste élitiste parce que ses œuvres représentent un certain cinéma d’auteur. Si son Cinéma ne parle pas aux plus grands nombres, force est de constater que cela ne peut aller que de mal en pis avec Visage. Cette œuvre pourrait être celle d’un artiste qui serait tomber dans les travers de son art, de son style qui le caractérise tant. Un accident de parcours qui voit le cinéaste partir en tête à queue vers les méandres d’un cinéma d’esbroufe. Visage apostrophe son spectateur mais pas forcément dans le bon sens. Malheureusement pour nous et pour lui. Et comme cela arrive à tout cinéaste, on peut mettre en scène de temps en temps, une oeuvre mineure, une œuvre qui ne marquera pas, ou à oublier le plus vite possible. Visage serait de ces oeuvres. Tsai Ming-liang a rêvé d’une œuvre cinématographique pour les musées (les films qui côtoieraient les tableaux de maîtres) et bien j’ai envie de lui dire qu’il se trompe, si son souhait est celui de prendre cette direction, elle accuse un manque total de recul et de jugement.
Visage est une énorme déception tant on attendait de ce cinéaste apprécie à Made in Asie, pour son talent et ce Cinéma si singulier. S’il n’a pas toujours réalisé des œuvres valant le détour, Tsai Ming-liang jouissait d’un univers propre qu’il avait jusqu’ici su faire partager. S’il conserve dans Visage cet univers distinctif, c’est sur sa façon de communiquer ses envies qu’il échoue. On peut aimer nombre de ses œuvres et tomber des nus devant une œuvre qui se veut une reproduction de son travail antérieur. Il y a du The Hole (1997) dans Visage mais aussi du I don’t want to sleep alone (2006). On retrouve son double à l’écran sous les traits de Lee Kang-shen qui perd ici sa mère après avoir perdu son père dans Et là-bas, quelle heure est-il ? (2001). Une autre œuvre à laquelle il fait référence ici comme si son cinéma était devenu celui de la copie (sa propre copie avariée) en évitant celui du mimétisme. Esthétiquement, Visage est beau avec une mise en scène qui est celle de son auteur, on reconnaît la touche, la patte qui est la sienne, il n’y a aucun doute à ce niveau. Pourtant, le cinéma c’est aussi des histoires. Et une histoire, il en manque cruellement dans Visage.
Cette œuvre n’a aucun sens, c’est juste l’accumulation d’une jolie scène (pas toujours) qui en remplace une autre et ainsi de suite. Une scène, un plan encore et encore où les acteurs se démènent tant bien que mal. On sent un manque de direction, on sent des pas, des gestes mal assurés. Est-ce voulu de la part de Tsai Ming-liang ? Il y a de grande chance. Le résultat ? On reste dubitatif, même devant de grands noms du Cinéma français. Jean-Pierre Léaud (un acteur que j’adore) peine et on en a mal pour lui. On a envie de se lever et de tout arrêter pour dire stop, cessons cette ignominie du jeu, du cinéma. Laetitia Casta joue comme dans une pub pour parfum ou d’une grande enseigne de prêt-à-porter, affligeant. S’en est triste, et associer trois égéries de François Truffaut dans un même plan ne changera pas la donne, Visage souffre considérablement de consistance. Et peindre des tableaux sur pellicule (la façon dont TML définit son Cinéma) n’est pas tout. Alors quel sentiment garde-t-on à l’esprit ? Le sentiment de s’être fait avoir. Le sentiment que TML se moque de nous en mettant en scène une œuvre égoïste qui n’a ni queue ni tête. Un patchwork d’images, rien d’autre.
Visage accumule les fautes de mauvais goûts avec des scènes discutables pour ce qui s’y passe et la façon dont c’est jouer. Laetitia Casta avec son rouleau adhésif noir ! Plus jamais ça. Passons. Pour ma part, je garderai en mémoire l’un des moments les plus réussi avec cette inondation en début de film qui voit Lee Kang-shen se battre contre l’élément qui définit le plus TML, l’eau. Visage ce n’est rien de moins que le naufrage d’une œuvre dans un caniveau parisien qui coule inexorablement vers et dans les égouts, pour s’y perdre à jamais et nous avec.
I.D.