A 26 ans, il a été arrêté et condamné par la justice indonésienne à la réclusion perpétuelle pour trafic de drogue. Sa mère ne l'a pas abandonné
Interview Didier Audebert - Paris Match
Michaël Blanc sait ce qu'il doit à Hélène, sa mère, présente à ses côtés depuis le début du cauchemar. Le 27 décembre 1999, la vie du jeune Savoyard bascule et se transforme en mauvais remake de « Midnight Express ». Lors d'une escale à Bali, les douaniers de l'aéroport de Denpasar découvrent 3,8 kilos de haschich dissimulés dans des bouteilles de plongée. Michaël affirme qu'il les transportait pour un Français croisé à Bombay. D'abord condamné à la perpétuité, sa peine a été réduite en mars dernier à vingt ans de prison. Pour l'aider à affronter ce calvaire, Hélène a tout quitté, sa vie en Haute-Savoie, sa famille, ses amis, et vit en Indonésie depuis 2000. Pour elle, c'est « jamais sans mon fils ».
Paris Match. Votre fils Michaël Blanc vient de voir sa peine réduite par le gouvernement indonésien : vingt ans au lieu de la perpétuité.Hélène Le Touzey. C'est une décision très importante pour nous, car c'est la première fois qu'une petite fenêtre d'espoir s'ouvre enfin.
Vous êtes venue vous installer en Indonésie pour être près de votre fils...Oui, il y a neuf ans. Depuis, j'ai déménagé sept fois, pour suivre Michaël quand il était transféré d'une prison à l'autre : d'abord Bali, pendant six ans, puis Porong, dans l'est de l'île de Java. Il est resté un an et demi dans cette prison disciplinaire, une des plus dures d'Indonésie, sans savoir pourquoi il avait été envoyé là.
Vous vivez aujourd'hui à Jakarta, la capitale, loin de Madiun, où il est incarcéré depuis un an et demi.J'avais déménagé il y a plusieurs mois parce que Michaël devait être emmené à Jakarta. Son transfert a été repoussé. Alors, en attendant, une fois par semaine, je bourre une valise de provisions et je prends le train de nuit pendant douze heures pour me rendre à la prison.
Les dix dernières années ont été un calvaire pour Michaël, mais aussi pour vous. Des coulées de boue ont emporté mon toit et failli engloutir ma maison à Porong, pendant la saison des pluies. Et puis il y a les tremblements de terre. Le dernier a endommagé ma maison. Et les heures d'attente dans les administrations, les difficultés de déplacement...
Vous avez même contracté la dengue il y a un peu plus d'un an...Comme je n'avais pas d'assurance maladie, j'hésitais à aller voir un médecin, et j'ai failli en mourir.
Comment vous débrouillez-vous financièrement ?L'association d'aide à Michaël (michael-blanc.com), qui réunit les dons adressés à mon fils, me verse une allocation mensuelle pour que je puisse vivre et le faire vivre. Cela ne suffit pas toujours. Mais quand j'ai vraiment un coup dur, il y a toujours un ami ou une relation qui finit par m'aider.
L'association reçoit-elle assez de dons, malgré le temps qui passe ? Au départ, ce sont les appels diffusés lors des émissions de Thierry Ardisson qui ont permis de récolter des fonds. D'autres émissions et des articles dans la presse ont pris le relais. L'association a aussi organisé des ventes de tee-shirts, des concerts... Je n'oublie jamais que c'est grâce à tous ces anonymes qui ont donné un peu d'argent que Michaël est toujours en vie, et je les remercie du fond du cœur. Mais nos crédits s'épuisent.
Que serait devenu Michaël si vous n'aviez pas été là ?Il m'a dit plusieurs fois qu'il n'aurait pas tenu le coup, qu'il serait devenu fou ou se serait suicidé. A certains moments, quand il allait très mal, il m'a même dit : “Maman, va-t'en, retourne en France pour que je puisse en finir...” [Elle pleure.]
Et vous êtes restée...Je n'ai jamais hésité, malgré mes deux autres enfants et mes petits-enfants que je ne vois pas grandir et que je connais à peine. Ils m'ont souvent demandé de rentrer... Je suis en permanence tiraillée entre l'amour que je porte à chacun. Faire des choix m'arrache le cœur.
Qu'est-ce qui vous fait tenir ?L'espoir que Michaël sortira un jour.
A Jakarta, vous dormez sur le matelas que Michaël avait dans sa cellule à Bali. C'est un symbole ?Pas vraiment. Avant, j'avais un petit matelas tout fin. Quand Michaël a été transféré dans une autre prison, on m'a rendu ses affaires et j'ai récupéré son matelas, que lui avait donné un prisonnier anglais au moment de sa libération.
Les visites à Michaël occupent une bonne partie de votre semaine. Que faites-vous le reste du temps ? Je vais voir d'autres prisonniers, je fais des démarches, des dossiers, des courses pour eux. Je fais partie d'une association de femmes qui viennent en aide aux habitants des villages touchés par les tremblements de terre. Depuis peu, je m'occupe aussi d'enfants dans des orphelinats.
Vous arrive-t-il encore de rire, de danser, de profiter de la vie ?Le jour où Michaël a été emprisonné, quelque chose s'est cassé en moi. Je n'arrive pas à être heureuse et gaie à cause de ce qu'il endure. A chaque visite, quand je le vois repartir vers son quartier des condamnés, en sachant qu'il prend sur lui pour me donner le change et qu'il veille à parler d'un ton léger pour ne pas m'attrister, j'ai le cœur déchiré.
Michaël ne pense qu'à quitter le pays à la minute même où il sera libéré. De votre côté, vous dites que vous pourriez rester en Indonésie. Comment est-ce possible ?Pour Michaël c'est compréhensible : il vit quelque chose de terrible et ne rêve que d'ailleurs. Moi, j'ai malgré tout rencontré des gens attachants, j'ai appris la langue, à aimer le pays. Et puis il y a tous ceux à qui je viens en aide, dont je me sens responsable, qu'il me serait difficile d'abandonner. Ici, je me sens utile, au moins un peu.
Avez-vous envisagé de refaire votre vie ? Pas du tout. Depuis que je suis en Indonésie, je suis très solitaire. Je me sens même un peu marginalisée, en tant que mère de prisonnier de droit commun. Je pense que des gens m'évitent, de peur que je leur demande quelque chose, ou que je leur casse les pieds avec mon histoire. Ça me met mal à l'aise, donc je m'isole...
Au mieux, quand pensez-vous que Michaël sortira ?Au mieux, dans sept ans, avec les réductions de peine. Mais j'espère toujours une grâce présidentielle ou un transfert en France. J'attends toujours un miracle.
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