Une cour. Une allée de peupliers. Un chemin de chèvres Des latrines. Un chien qui aboie. Un aumônier. Des fenêtres à barreaux Des spectateurs. On vient, on attend. Le voilà leur vrai jour de fête Une longue histoire de sang La cravache. La faim secondaire Le nettoyage des gamelles. La corvée de bois Les pas brisés des soldats en rangs serrés et avance lentement le cortège des prisonniers, lentement et en longue file. Aller-retour. Le soleil sur les murs décrépis Ce jour-là j'étais avec vous mes frères, seul, seul à crier votre nom du fond de ma cellule. Et j'ai toujours gardé le coeur intact Seul... seul Bouche cousue sous la pluie : en avant marche ! La faim, la faim, la faim primaire la faim secondaire et on visage Dédé et tes ongles Zerouki et ta pleurésie Mahmoud et tes paupières closes Yahia Chérif Aller sans retour Dépouillés, trahis, humiliés, asphyxiés et avance lentement le cortège des prisonniers Une cour. Un roulement de tambours Une fusillade dans un concert de voix Des tranchées... des spectateurs... des mères qui attendent toujours... un chien qui aboie Tête pendue, poings liés corps fusillés. Et ils ont osé dire : " Justice est faite" Djamal Amrani, (1935-2005), poète algérien a été torturé dans la sinistre villa Susini en 1957 par les militaires français. Il n'a pas parlé. Nous reste sa voix dans un fort volume de 500 pages publié aux éditions ANEP. photo de Djamal Amrani par elwatan photo de Brigitte Giraud sans laquelle je ne saurais rien de ce poète