Livre d'auto introspection, cette Vie de Henry Brulard relate la vie de l'écrivain jusqu'à l'année 1800, c'est-à-dire jusqu'à son arrivée à Milan en Italie. Le texte ne paraîtra qu'en 1890 soit longtemps après le décès de Stendhal. Dès qu'on ouvre le livre ce qu'on remarque immédiatement ce sont les innombrables croquis qui ponctuent le texte, traits fin à la plume, qui croquent le plan d'une habitation ou un trajet entre deux villes etc. On ne sait si Stendhal craignant de se faire mal comprendre préfère ajouter un dessin à son propos, ou si plus certainement il fait un croquis afin de mieux faire remonter ses souvenirs pour nous les narrer.
De quoi sont faits ces souvenirs, de l'amour démesuré qu'il porte à sa mère mais/parce que elle meurt alors qu'il est très jeune encore (7 ans). De la haine qu'il voue à son père, le rendant responsable de la mort de sa mère. Freud n'était pas né, mais Stendhal l'avait inventé serais-je tenté d'écrire. C'est d'ailleurs cette haine qui le voit titrer cette autobiographie « Vie de Henry Brulard » et non Henry Beyle. Brulard étant le nom d'un oncle paternel, il conserve donc le lignage généalogique tout en escamotant le nom de son père.
On trouve aussi ici, tout ce qui caractérise l'écrivain, sa haine de la religion et de la monarchie « à l'annonce de la mort de Louis XVI, le jeune Beyle est saisi d'un des plus vifs mouvements de joie ». Et par-dessus tout de l'hypocrisie dont il accable son précepteur et sa tante Séraphie « Cette tante Séraphie a été mon mauvais génie pendant toute mon enfance ». En lisant ce texte on constate que Stendhal adorait les mathématiques et leur raisonnement exact, ce qui peut d'une certaine façon expliquer sa haine de l'hypocrisie.
On notera aussi que ce roman (?) au-delà de la découverte de lui-même comme il le souhaitait, permet à Stendhal de s'adonner à la belle écriture sans rechigner à glisser dans son texte des anglicismes, ce qui le rend très moderne et fait sourire car il renvoie à des querelles linguistiques d'aujourd'hui sur ce genre de pratiques.
« La canonnade épouvantable dans ces rochers si hauts, dans une vallée si étroite, me rendait fou d'émotion. Enfin le capitaine me dit : « Nous allons passer sur une montagne à gauche ». J'ai appris depuis que cette montagne se nomme Albaredo. Après une demi-lieue, j'entendis donner cet avis de bouche en bouche : « Ne tenez la bride de vos chevaux qu'avec deux doigts de la main droite afin que s'ils tombent dans le précipice ils ne vous entraînent pas. - Diable ! Il y a donc danger ! Me dis-je. On s'arrêta sur une petite plateforme. « Ah !voilà qu'ils nous visent dit le capitaine. - Est-ce que nous sommes à portée ? Dis-je au capitaine. - Ne voilà-t-il pas mon bougre qui a déjà peur ? » me dit-il avec humeur. Il y avait là sept à huit personnes. Ce mot fut comme le chant du coq pour Saint-Pierre. Je revois, je m'approchai du bord de la plateforme pour être plus exposé, et quand il continua la route je traînai quelques minutes pour montrer mon courage. Voilà comment je vis le feu pour la première fois. C'était une espèce de pucelage qui me pesait autant que l'autre. »