Pour cette première performance d’Aufgang à Paris, tout ce que la capitale compte de blogueurs et critiques musicaux semblait s’être donné rendez-vous au Café de la Danse. Il faut dire qu’avec des papiers dans Le Monde ou Libé, le premier album du trio a reçu un accueil plus que favorable en France. Pour beaucoup, ce projet électro-acoustique, conçu autour de deux pianos et d’une batterie, apporte une fraîcheur inattendue sur une scène qui en avait grand besoin. Sans vouloir relativiser l’apport d’Aufgang, nous étions peut-être moins surpris car nous avions déjà eu à faire aux différentes productions de Francesco Tristano, déjà coutumier des mariages entre musiques électronique, classique et jazz - rappelez-vous de sa prestation aux côtés de Carl Craig et Moritz Von Oswald à la Cité de la musique, ou encore de ses maxis The Melody et Auricle Bio On… Avec Rami Khalifé, confrère pianiste rencontré à la Julliard School il y a une dizaine d’années, et le batteur-machiniste Aymeric Westrich, Tristano a trouvé les comparses parfaits pour passer au niveau supérieur.
Dans une salle bondée, c’est Rone qui était chargé d’ouvrir la soirée avec son électronica soyeuse. Las, accompagné de l’illustre Fabi, nous n’avons pu voir que les cinq dernières minutes de sa prestation, pour cause d’apéro prolongé… Son association avec le violoncelliste Gaspard Claus avait pourtant l’air de mériter davantage d’attention… Bref. Venons en à Aufgang et à cette installation toute particulière : les deux pianos à queue d’un côté et de l’autre de la scène, et au milieu, la batterie et l’attirail électronique de Westrich. A peine le public salué, ça attaque très fort avec "Channel 7", l’une des tueries de l’album, avec ses envolées post-rock, ses accords plaqués façon house de Chicago et une intensité sonore ahurissante. Je suis estomaqué par la manière dont le live sublime et amplifie un titre déjà très puissant. Après cette ouverture magistrale, le trio a l’intelligence de varier les genres et les approches. Parfois méditatif, rêveur, il livre également des expérimentations atonales proches du free-jazz et de la musique contemporaine, tel ce "Channel 8" qui voit Tristano et Khalifé visiter les entrailles de leurs instruments pour en pincer et marteler les cordes.
Malgré tout, ce sont les morceaux uptempo qui m’impressionnent le plus. Avec "Channel 7", "Sonar" est sans doute la plus miraculeuse des créations d’Aufgang. Et bien qu’aucun membre du groupe ne vienne du Michigan, il s’agit aussi de l’une des plus belles pièces de techno de Detroit de ces dernières années. Presque baroque, l’intrication des nappes, des boucles acides, du beat lourd et des phrases impressionnistes des pianistes donne la sensation – assez rare, vous en conviendrez – de se trouver face à quelque chose d’unique, de grandiose ! Comme l’élaboration en direct d’un nouveau son, le début d’une nouvelle ère ! Le seul regret restant de ne pas pouvoir danser comme un dément dans une salle, comme son nom ne l’indique pas, davantage conçue pour les concerts folk que pour une telle expérience. Après une petite heure et demie de show, la bien nommée "Soumission" achèvera de nous en convaincre : Aufgang est l’une des grosses sensations de l’année !
Le Myspace d’Aufgang