Un petit cours d’œnologie facile à suivre (mais tellement dense que j’ai bien peur d’oublier très vite la moitié de ce que j’ai appris, ou est-ce un effet de l’ivresse ?) vous est dispensé gracieusement dans Les Gouttes de Dieu, un manga de Tadashi Agi et Shu Okimoto (une quinzaine de tomes parus ou à paraître, ce serait bien le diable si à la fin les distraits n’en venaient pas à retenir l’essentiel).
Soit donc un « néophyte » (en fait, pas tant que ça), le jeune Shizuku Kanzaki, fils d’un grand œnologue avec lequel il est brouillé (ah les rapports père-fils). Et une apprentie sommelière, Miyabi. Le père de Shizuku meurt, non sans avoir adopté un œnologue prétentieux pour obliger son fils à entrer dans l’univers du vin, au fil d’un grand défi œnologique dont le vainqueur gagnera la cave mirifique du défunt. Shizuku déguste les vins comme un œnologue à l’apogée de sa carrière (ah la figure du héros prédestiné) et Miyabi connaît parfaitement la théorie. Nos Holmes et Watson nippons sont en plus infiniment sympathiques et nous découvrons avec Shizuku les mystères du terroir ou la magie de la décantation.
Pourquoi ce manga plutôt que « le vin pour les Nuls » ? Parce qu’il y a le petit plus oriental.
-chaque geste lié au vin devient un acte d’adresse comme dans un bon film d’arts martiaux ; décanter c’est tout un art !
-chaque dégustation est une expérience sensorielle quasi-mystique qui transporte dans un champ de fleurs, un concert de Queen ou un tableau de Millet ; ah les contre-plongées sur des héros aux yeux hagards !
-les péripéties les plus rocambolesques sont permises : oui, à Tokyo, il y a des SDF installés dans des cartons qui planquent des caisses de vins prestigieux dans des jardins publics.
-chaque dégustation se transforme en enquête policière : top chrono, identification du mélange d’arômes d’une bouteille de Romanée-Conti ! (Cassis-pain grillé, ça ne se fait pas en glace, mais ça fait un très bon vin)
-et bien sûr, il s’agit d’un parcours initiatique, en quête du père et des souvenirs d’enfance sans (comment les deux Kanzaki ont-il pu s’éloigner à ce point ? ça ne peut pas être seulement parce que le père obligeait son rejeton à mémoriser le goût métallique d’une lame de couteau…), en quête de soi aussi sans doute.
Alors, explosion de fruits, nuance vive de plusieurs herbes… ce manga vaut un petit détour.