Miller Levy: Ouvroir de Pensée Potentielle

L’artiste Miller Levy s’est attaqué avec Oulipismes à la célèbre collection Que sais-je? et nous livre un travail entre humour et science-fiction dans la droite lignée des expérimentations littéraires de l’OuLiPo.

Que sais-je?, dernier vestige de la pensée encyclopédique, une collection proposant 3800 titres et qui avait l’ambition de faire « le point des connaissances actuelles » (accroche inscrite sur les premières couvertures, sur lesquelles travaille Miller Levy, enlevée depuis). Et bien que internet rende l’entreprise caduc car il semble réaliser son projet (sauf que internet représente bien plus le point sur les croyances et non les connaissances actuelles), la collection nous fait rêver. Qui n’est pas tombé sur un rayon de Que sais-je? en s’arrêtant sur un titre qu’il aimerait bien lire ou en tombant sur un autre qu’il ne comprenait même pas. Le Que sais-je? nous pose devant la connaissance humaine en nous incluant — nous, les hommes nous savons cela — tout en nous excluant — moi individu je ne sais pas cela, mais je peux le savoir si je lis ce livre.

Miller Levy, lui, va ouvrir le champ de la première catégorie. En découpant les Que sais-je? entre la première et la seconde ligne du titre et en opérant des greffes. Ainsi, à partir de deux livres existants: Hegel et l’hégélianisme et La Vente par téléphone, Miller Levy crée deux nouveaux titres: Hegel par téléphone et La Vente et l’hégélianisme. Il nous amène alors dans des rêves de connaissances humaines, avec des titres parfois (souvent même) drôles, parfois intriguant mais qui ne semblent pas si éloigné de la réalité… Comme le fait remarquer Didier Semin, Les Fruits après Marx et surtout Les Marxismes tropicaux et subtropicaux — tirés des Que sais-je? Les Fruits tropicaux et subtropicaux et Les Marxismes après Marx —, ne semblent qu’être en attente d’un « érudit, professeur émérite à l’Institut des Sciences Politiques » qui remplirait leurs pages.

Et si les Que sais-je? de Miller Levy n’étaient que des plagiats par anticipation des connaissances de l’homme futur…?

Si ce travail de Miller Levy vous intéresse, il a fait l’objet d’une publication aux éditions du Bas Parleur, avec une très belle postface de Didier Semin.