Ups and downs, highs and lows. Le moyen n'existe pas en bateau. L’euphorie ne pouvait pas durer bien entendu. Nikko et moi
sommes restés à Palmeira un peu plus longtemps que prévu et nous savions que
lorsque nous en partirions, un léger blues nous prendrait. Encore quelques
journées de palangrote avec Grillon, un barbecue sur la plage pour manger nos
prises et refaire le monde avec Grégoire, quelques business meetings chez
Ibrahim pour envisager un plan de contrebande semi-légale entre Dakar et
Palmeira; une dernière nuit blanche sur Galapiat avec Loic qui nous détaille
les plans de son futur proto et il est temps d’y aller.
Palmeira – Boavista: 40 milles, une formalité au portant. Nikko
est heureux de mieux connaître Galapiat et se révèle aussi délicieux en
navigation qu’au mouillage. Nous avons un peu traîné le matin le temps de faire
nos papiers et nous atterissons de nuit, ce qui est formellement déconseillé
par l’Imray. Comble de malchance, mon sondeur est en carafe. ça ne fait que la
seconde fois depuis que je l’ai acheté il y a moins d’un an. Cochonnerie de
materiel moderne!! On se moque vraiment du monde. Je ne vous ai jamais encore
fait part de ma théorie sur l’arnaque du luxe? C’est à peu près la même que ce
que je pense des gadgets-modernes-multifonctions-inutiles-et-pas-solides. De la merde, je
déteste. Bref, entre swell, cailloux partout et peu de fond, l’atterissage se
fait sur la pointe des pieds, avec un poil de stress, beaucoup d’attention mais
heureusement sans soucis.
Boavista, Boavista. De mon
précédent long voyage en bateau vers l’ouest il y a 13 ans, c’est de toutes mes
escales Boavista que j’avais préférée. A l’époque, le petit village de Sal Rei
n’était ravitaillé que par un bateau qui, faute de fond et de port, se mettait
au mouillage à un mille de la ville. Les pirogues déchargaient patiemment les
marchandises et les acheminaient à terre pendant une journée entière. Il y
avait un seul hôtel de quelques chambres, aucun touriste, juste François Guy,
un français installé depuis longtemps ici, qui venait d’ouvrir un centre de
planche UCPA et recevait ses premiers clients. A part ça, l’immense plage était
tout simplement déserte. Je savais que l’île a depuis sensiblement changée mais
c’est toujours un peu triste de constater à quel point le tourisme, même encore
relativement limité, abîme tout, défigure tout. Cf Plateforme de Houelllebecq. Boavista
aujourd’hui est ravitaillé par avion et bateau; les hôtels ont poussé comme
des champignons et des gros blaireaux bafards et bedonnants circulent en
troupeau sur l’île en rang d’oignon derrière le guide, sans aucune élégance et
l’air béat sur de gros quads bruyants. Par rapport à Palmeira, les prix s’en
ressentent: Bière 50% plus chère, Cortado x2. Bon, je ne fais pas l’ancien
combattant mais disons que je suis un peu amer devant ce spectacle. Pas grave, on va quand même y passer du bon temps. François est toujours là. Une petite session windsurf sur ce spot qui reste merveilleux et une partie d'echec sur la plage devraient me réconcilier avec Boavista.
Merdouilles matos, légère
déception géographique, tout cela n’est rien. Ma gueule de bois provient
surtout du fait que la perspective de retrouver prochainement mes enfants à
Dakar s’envole. Reviremment non négociable de ma chère épouse au nom de leur
stabilité ou quelque chose dans ce goût là. Je n’ai qu’à venir les voir en
France. Vu ma situation, je n’ai pas grand-chose à dire et j’accepterais
volontiers de me faire plier ainsi, sauf que cette généreuse proposition n’est
même pas envisageable. Ma douce et tendre n’a toujours pas compris qu’on ne
laisse pas un bateau n’importe où, n’importe comment, comme on gare une bagnole
dans un parking, ferme la portière et prend l'avion. Le premier port sur ma route désormais est au Brésil. Les
alizés sont établis et je peux difficilement remonter sur les Canaries pour y
laisser le canot. Bref. Merci pour la très généreuse proposition unilatérale,
tout à fait dans l’esprit de ce que nous avions convenu, en l’occurrence, toujours être
clean concernant les enfants. Il semble donc que je ne les reverrai pas d’ici
plusieurs mois. J’espère juste que je pourrai leur dire combien je les aime
malgré l’absence, j’espère juste qu’ils ne m’appelleront pas «monsieur» mais encore
«papa» quand je les reverrai.
Aller, aller, du nerf, que diable! Il n’y a pas que du mauvais
après tout. L’intervention chirurgicale de ma maman s’est finalement bien
passée, je respire toujours et peux prendre encore des coups. Un peu plus
cabossé chaque jour peut-être, mais un peu plus rude au mal en même temps.
Aller, vas-y le destin, frappe encore, j’encaisse. Vous avez vu Fight Club?,
pareil. Aller, frappe plus fort bon dieu! Défonce moi!! Plus fort!!! C’est mou tout ça!!. Oui,
je pisse le sang, et alors?? Pas de problème. Tant que je suis debout, tu peux
y aller. Je continuerai à me moquer de toi…