Alors que les sondages pleuvent en ces temps de mi-mandat pour analyser un bilan de Sarkozy en demi-teinte, tandis que les analystes se penchent sur le cadavre d’une gauche atone qui se cherche désespérément un vainqueur, les stratèges du camp Sarkozy s’activent pour préparer l’échéance de 2012. Une situation bien atypique, si l’on songe que la réélection de Mitterrand en 1988, tout comme celle de Chirac en 2002, faisaient suite à une cohabitation. Un challenge peu aisé si l’on scrute les nuages qui s’amoncellent depuis quelques semaines sur l’Elysée. La cote de popularité du Président est en berne, en cet automne. La crise, l’œil du cyclone s’éloigne peu à peu. Le rideau tombe, la pression médiatique se fait moins forte. Et la détresse demeure pour les Français qui, nous le verrons, semblent craindre la sortie de crise davantage que la crise elle-même.
Selon le dernier baromètre Metro/ Krief de novembre 2009 sur l’action gouvernementale, la cote de popularité du président a atteint son seuil critique de 39 % d’opinions favorables, plancher bas depuis le début de sa mandature. Fait inquiétant pour le Président, l’hémorragie touche dorénavant son propre camp. Pour 2012, Nicolas Sarkozy a une ambition : virer largement en tête au premier tour, pour profiter de la prime au vainqueur.
Mais 4 écueils le guettent. Pleins feux aujourd’hui sur les deux premières menaces qui risquent de lui faire perdre sa droite : les seniors et le FN.
Le péril vieux ?
Les papys, force vive du Président Sarkozy
Les seniors ont fait l’élection de 2007. Flashback. Après un mois de janvier 2007 turbulent qui a vu les intentions de votes se croiser et la candidate Ségolène Royal poussée par un élan, les seniors remettent le candidat Sarkozy en orbite. En février 2007, selon l’IFOP les 50-64 ans, après un flottement notamment du à l’hypothèse Nicolas Hulot, retrouvent leur candidat UMP, crédité de 35 % de leurs suffrages au premier tour. Un chiffre qui monte à 38% parmi les plus de 65 ans.
Les plus de 50 ans sont indéniablement le meilleur fan club de Sarkozy. Selon un sondage BVA pour la Matinale réalisé début novembre 2009, 36% d’entre eux « estiment que le président Nicolas Sarkozy incarne bien la fonction présidentielle ». A l’actif du bilan de Sarkozy, la gestion de la crise. 50% des plus de 50 ans soulignent que sa réaction face à la crise financière a été satisfaisante. Un satisfecit trompeur. Car cette cible est en réalité moins obnubilés par les enjeux économiques que le reste de la population.
Des seniors comparativement moins épidermiques sur les questions économiques
BVA , qui a réalisé ce sondage début novembre 2009, pour investiguer les attentes des Français en cette deuxième partie de mandat montre que sur les items relatifs au pouvoir d’achat, les attentes des plus de 50 ans sont moins fortes que chez les plus jeunes. Idem sur la question des impôts. 20 % des plus de 50 ans jugent prioritaire la baisse des impôts décidée en 2007 contre 39% des 15-24 ans. A l’inverse, les plus de 50 ans sont la catégorie la plus soucieuse de l’orthodoxie financière et de la lutte contre les déficits. L’expérience – peut-être – que tout se paye.
Un besoin d’ordre
Le besoin d’ordre est peut-être le marqueur qui différencie le plus la catégorie des seniors. Et quand le gouvernement fait montre d’autorité, cette cible adhère. Ainsi, selon un sondage CSA pour le Parisien réalisé en octobre 2009, la fermeture de la jungle de Calais est plébiscitée par 46% des plus de 50 ans contre 38 % des moins de 30 ans et 40 % des 30- 49 ans. (CSA pour Le Parisien, octobre 2009)
A l’inverse quand le Président et son gouvernement contreviennent à ce besoin d’ordre et de justice, les plus de 50 ans se démarquent. Deux exemples ont particulièrement fait grincer les dents. D’abord, il y a l’idée d’une cagnotte financière pour lutter contre l’absentéisme scolaire. Passée au second plan médiatiquement, elle provoque l’ire des 50-74 ans, particulièrement virulents contre une initiative qu’ils sont 78% à désapprouver, soit plus de 10 points que la moyenne nationale. Plus largement, le casting présidentiel pose lui aussi question : si l’ouverture à gauche n’est critiquée que par moins d’un tiers de plus de 50 ans, en revanche l’épisode Frédéric Mitterrand laisse des traces. Une majorité des plus de 50 ans critique le soutien public du Président après l’épisode médiatique.
Sarkozy faute de mieux ?
Au final, les plus de 50 ans sont dans une situation paradoxale : ils soutiennent le candidat de façon globale. Mais interrogés sur les mesures spécifiques prises par le Gouvernement selon ce sondage CSA, les seniors sont plus sceptiques que la moyenne des Français. Sur 10 mesures proposées par le gouvernement , ils n’en soutiennent que 5. A comparer à une moyenne de 6. Comme si Nicolas Sarkozy était choisi par dépit, en attendant mieux. Comme s’il était parfois préférable aussi de ne pas charger la barque du Président. Comme si en cet automne 2009, les plus de 50 ans préfèraient tairent leurs doutes. Lorsque 23 % des plus de 65 ans et 26% des plus de 75 ans refusent de s’exprimer sur le sujet Jean Sarkozy, on peut aisément penser qu’un malaise existe ; Il semble, qu’à défaut de vouloir plomber le seul candidat crédible de la droite pour 2012, certains rongaient leur frein En attendant un meilleur candidat ? Et pourquoi pas lorgner sur le FN ?
FN, le retour ?
Le discours de Beauvais le 12 novembre 2009 devait initialement porter sur le monde rural. En lieu et place, le Président de la République s’est livré à un vibrant plaidoyer en faveur de la Nation. L’objectif avoué : recoller avec les électeurs à la lisière entre le Front National et l’UMP, comme l’explique un autre sujet de Délits d’Opinion
« I want my money back »
La grande attente des électeurs frontistes est claire : respecter le pacte de 2007, valoriser le travail, ceux qui se lèvent tôt et qui triment. Le candidat Sarkozy les avait habilement attirés clamant haut et fort la valeur travail. Et les électeurs n’ont pas oublié.
Presque 47 % des électeurs du FN réclament que la baisse des impôts promise soit réalisée. Soit 20 points de plus que la moyenne. Autre signe qui ne trompe pas, 73% des électeurs FN demandent, selon BVA, au gouvernement de s’activer sur la question du pouvoir d’achat.
La question de l’argent est devenue épidermique. La hausse du forfait hospitalier en est une autre illustration. Selon l’institut CSA, elle est jugée négativement par une 90 % des d’électeurs FN contre 76% en moyenne. Les électeurs du FN veulent engager des réformes. Avec un objectif : desserrer l’étau qui les emprisonne. Problème, les caisses sont vides. La dette devrait atteindre 83% du PNB quand Bruxelles tolère 60%. Que faire alors ? Diversion toute. Sur le thème de l’identité nationale, qui constitue une attente certes, mais secondaire des frontistes.
La valeur France, cache-misère d’une impuissance financière
Le sujet qui monte au FN, c’est l’immigration et de promotion de l’identité nationale. Un thème qui évoque aussi les valeurs de la France. Un thème inocmment rebattu depuis une semaine. 34% des électeurs frontistes veulent que ce sujet devienne une priorité pour la seconde partie du mandat contre 12% pour la moyenne nationale. Car, malgré tous les signaux envoyés – notamment la création d’un ministère spécifique ou l’expulsion d’immigrés afghans -, les électeurs frontistes restent sut leur faim. Selon le même sondage BVA (ibid) seuls 28% des électeurs du FN s’estiment satisfaits de la politique sur le thème de l’immigration menée jusqu’à présent le gouvernement. Un chiffre problématique pour l’UMP qui sait parfaitement que ce sujet clive et le coupe de réserves centristes potentielles pour le second tour de 2012. Problématique aussi pour tous les électeurs qui songent aussi que l’original est peut-être mieux que la copie.
Marine, bon pied bon œil
Des frémissements se font en effet sentir au niveau du FN. Certains sondages réalisés pour les régionales font état d’ d’une remontée du FN. Des résultats corroborés au niveau national. Marine Le Pen candidate du FN pressentie pour prendre le flambeau de son père gagne des points. Remisant au placard les aspects les plus caricaturaux, elle semble capable de porter un FN modernisé, débarrassé des oripeaux les plus segmentants pour porter l’estocade sur les valeurs et la crise économique. Au dernier compteur de l’IFOP réalisé en novembre 2009, Marine le Pen, testée, bénéficiait de 11 % des suffrage en cas d’élection présidentielle.
La course en avant risque donc de reprendre de plus belle. Mais elle n’est pas le seul risque pour le Président… A suivre dans le prochain billet : les ennemis de l’intérieur.