Deux news tombées récemment ont attiré notre attention sur une tendance actuelle (?): la co-production de vin.
Lorsque l'on est jeune, naïf, ou ignorant des choses du vin, l'équation semble simple: le vigneron possède des vignes, il les entretient avec amour, les vendange, élabore son vin. Parfois, il abandonne cette dernière étape à un partenaire de confiance en lui laissant le soin de vinifier le produit de ses vendanges. C'est ce que font par exemple les Bret Brothers, qui vinifient des raisins issus de domaines voisins du leur, et donc qu'ils connaissent bien (tout comme les vignerons qui les exploitent).
Or, voici ce que l'on apprenait récemment sur le site youphil.com:
"Certains l’appellent déjà le "Château La Tweet". Le site de micro-blogging Twitter se lance dans la production du Fledging , une marque de vin produite par le vignoble californien Crushpad Wine.
L’objectif : produire des bouteilles de Chardonnay et de Pinot noir au prix de 20 dollars pièce, dont 5 dollars seront reversés à Room to read, une ONG américaine qui fait la promotion de la lecture dans les pays pauvres.
Les utilisateurs de Twitter peuvent d’ores et déjà suivre le processus de vinification sur le compte @fledgling. Avis aux amateurs, vous pourrez aussi visualiser des vidéos de l’avancement de la production de vin. De quoi patienter jusqu'à la commercialisation du "Fledging" l’été prochain."
On apprend dans le même temps que The Sun, élégant tabloid anglais dont il est d'usage de "lire" la page 3 avant la une, a décidé de co-produire un vin avec la chaine de supermarché anglais Asda. Les raisins ont été sélectionnés dans un domaine du Languedoc, avant d'être envoyés en Angleterre.
Etrange. Non pas que cela donnera forcément de mauvais résultats, mais nous avons la conviction (comme beaucoup) que le vin a une âme, et que aussi bien le terroir, la personnalité du vigneron, que sa relation à ses vignes: tout est lié et intervient pour donner un vin d'expression. Utiliser des raisins comme simple matière première à la vinification, sans les connaître intimement, c'est amputer le processus de production de toute la partie mystèrieuse et impalpable qui fait l'âme du vin.
Cela laisse en tout cas penser que le vin est donc un bien culturel comme un autre. On co-produit des vins comme on co-produit des films, avec ce que cela peut supposer comme dénaturation du travail de l'artiste.
Et même un produit culturel de masse, puisque comme on peut voir des séries limitées de voitures à l'effigie d'une marque, ou des parfums élaborés par une star, on voit des vins dont l'argument premier est d'être "le vin de Twitter" ou "le vin du Sun".
Que le vin soit un produit culturel, c'est évident.
De Culture à Art, il n'y a qu'un pas, et nous considérons les vignerons comme des artistes. Un artiste a besoin de liberté (à moins que sa collaboration ne se fasse de façon enrichissante avec un autre artiste) et son travail supporte mal la collaboration avec un financier ou un décideur extérieur...