Se devait être une réponse du berger à la bergère. Seulement le berger a été bluffé. Il ne pouvait vraiment pas répondre. Il devait impérativement faire part de ses émois. Ce qu'il va
faire plus loin, rassurez-vous.
Il y a deux ans, presque jour pour jour, le berger rencontrait la bergère lors d'une rencontre à Genève organisée par Avenir Suisse (ici) et l'Institut Constant de Rebecque (ici) autour du président de
Liberté Chérie (ici), Vincent Ginocchio.
Une dizaine de personnes participait à cette réunion. Xavier Comtesse représentait Avenir Suisse, Victoria Curzon-Price et Pierre Bessard
l'Institut Constant de Rebecque. Parmi les autres participants, venus petit-déjeuner un dimanche de novembre, se trouvaient Geneviève Brunet de L'Hebdo (ici), Barbara Polla d'Analix Forever (ici)et votre serviteur qui écrivait alors pour
le Bureau Audiovisuel Francophone (ici).
Quand il s'agit de liberté, ce dernier réagit comme le taureau devant un chiffon rouge. Il a donc pris la parole plus souvent qu'à son tour et notamment pour dire qu'il suffisait de lui interdire
quelque chose pour qu'il s'y intéressât.
A l'issue de la réunion Barbara Polla s'est avancé vers lui et, pour connaître, son nom lui a posé cette simple question : Quel est ce trublion ? Lequel trublion lui a tendu sa
carte. Depuis le trublion reçoit régulièrement par courriel des invitations pour se rendre à la galerie de la dame blonde.
Comme le temps passe et que, sans avoir le don d'ubiquité, le trublion se fait tour à tour Oschéen, Catovien et Luzien, il n'a pas encore réussi à placer un de ces rendez-vous genevois dans son
agenda archi-bouqué.
Qu'à cela ne tienne, il s'est retrouvé en arrêt, l'autre samedi, chez Payot (ici), devant Victoire,
publié très symboliquement chez l'Age d'Homme (ici), en pensant que l'occasion ferait le larron.
Roman, récit, nouvelle ? Prudemment l'auteur et l'éditeur se sont gardés de se prononcer sur l'opus, se rendant bien compte que cela n'avait aucune espèce d'importance et qu'après tout le
lecteur recrée de toute façon toute oeuvre à l'image de son monde intérieur.
La narratrice, Victoire, est une amie attentive, au-delà de la perception usuelle, de Louise de Vire, l'érudite, qui ne fait "rien" dans la vie, mais s'occupe de beaucoup de choses. Victoire a
fait la connaissance de Louise au café Marly, qui se trouve dans l'ombre portée de la Pyramide du Louvre. Dès lors Victoire et Louise sont devenues complices et ne se quittent plus.
Louise est une passionnée de poésie, d'architecture ecclésiastique et de films: Cendrars; les cathédrales de Beauvais, Rouen, Amiens et Magnus; In
the mood for love, Godard, L'abécédaire. Elle éprouve du désir, au sens deleuzien - c'est-à-dire comme abstraction, construit
- pour Pierre Rouen, "le philosophe le plus en vue du moment", habité par le thème de la résistance, "profondément ancrée en lui, probablement depuis toujours".
Victoire alterne le récit, dans lequel elle raconte Louise, et la pensée de Louise, qu'elle lit comme à livre ouvert, le rêve de Louise, qu'elle regarde comme sur un écran. Pierre Rouen y
occupe pendant longtemps la première place, sinon la seule, obsédante, sans qu'il n'y ait de victoire apparente sur l'objet de son désir, donnant tout son sens à la
vie de Louise reconnaissante.
"La plainte, dit Deleuze, c'est quand on dit, ce qui arrive est trop grand pour moi. Ce qui m'arrive, Pierre, cet amour, c'est trop grand pour moi, et en même temps je ne puis le partager avec
personne, même pas avec vous. Avec Victoire, parfois, peut-être", pense Louise, sous la plume de Victoire.
Louise, au fil du livre, devient malgré tout de plus en plus passionnée. Elle transmute les pierres en Pierre, et Pierre en pierres. Elle se pétrifie, en quelque sorte, dans sa
folie, dont elle ne pourra émerger que par la perte ou la disparition. Elle éprouve - ce n'est pas un hasard - une fascination pour Jean Sans Terre, ce souverain "habitué à l'être".
Pour Pierre Rouen, de "se trouver inextricablement envahi, encombré dans le rêve de cette femme" peut-il être sans conséquence ? Résistera-t-il ? Quant au trublion, il n'a pas résisté. Il s'est
laissé troublé.
Victoire se lit et se relit - c'est l'avantage des livres courts, mais denses. Il peut même se relire à n'importe quelle page, parce que le lecteur peut être certain, arrivé à la
dernière, qu'il n'a pas tout saisi à la première lecture et que ce sera un ravissement pour lui d'approfondir, et d'y revenir encore et encore.
Francis Richard
Nous en sommes au
490e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani, les deux otages suisses en Libye