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La Cour constitutionnelle Italienne pose une question préjudicielle!

Publié le 21 novembre 2009 par Duncan

CJCE, 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri, C-169/08.

Cet arrêt n'aurait pas particulièrement marqué l'histoire du droit communautaire s'il ne s'agissait du premier cas de question préjudicielle posée par la Cour Constitutionnelle Italienne qui, jusqu'à présent, avait réfuté sa qualité de "juridiction" au sens de l'article 234 CE. Il s'agissait d'une bizarrerie puisque la majorité des cours constitutionnelles nationales - pour ne citer qu'un exemple, la Cour d'arbitrage constitutionnelle belge - coopèrent avec la CJCE!

L'affaire en question concerne une taxe sur les navires et aéronefs effectuant des transports privés à titre gratuit et de plaisance exigée dans certains ports et aéroports Sardes. Cette taxe ne frappe que les entreprises offrant des services de plaisance n'ayant pas leur domicile fiscal en Sardaigne. La Cour italienne interroge la CJCE: cette taxe est-elle contraire à l'article 49 CE? Le fait que cette taxe ne frappe pas les entreprises établies en Sardaigne la rend-elle incompatible avec l'article 87 CE, cette exemption pouvant être considérée comme une aide d'état?

S'agissant de l'application du droit communautaire, la taxe, en ce qu'elle affecte des entreprises établies hors d'Italie remplit la condition de rattachement communautaire (ce qui ne serait pas le cas si elle ne frappait que les entreprises établies dans d'autres régions italiennes).

Le point plus délicat consistait à définir si cette taxe frappait bien des prestations de services. C'est la conclusion à laquelle est parvenue la Cour, en se fondant sur la liberté de déplacement du récipiendaire de services. Elle considère en effet, s'agissant du transport gratuit de personnes privées, que, pour ces personnes, l’escale constitue une condition nécessaire pour la réception de services en Sardaigne et que la taxe régionale d’escale présente un certain lien avec de telles  prestations. S'agissant de la taxe régionale grevant l’escale des unités de plaisance, elle s’applique aux entreprises qui exploitent de telles unités de plaisance et, notamment, à celles dont l’activité entrepreneuriale consiste à mettre lesdites unités à disposition des tiers contre rémunération. Dès lors, le législateur sarde a institué une taxe frappant directement la prestation de services au sens de l’article 50 CE. 

La cour poursuit alors son raisonnement en analysant l'entrave et les justifications éventuelles.

Ainsi, la taxe constitue sans conteste une entrave. "En effet, une telle législation introduit un coût supplémentaire pour les opérations d’escale des aéronefs et des bateaux à la charge des opérateurs ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional et établis dans d’autres États membres et crée ainsi un avantage pour certaines catégories d’entreprises établies dans celui-ci" (point 32). Le gouvernement sarde cherchait à faire échapper la taxe à cette qualification d'entrave en soulignant que la situation des résidents et des non-résidents, par rapport à cette taxe directe, n'est pas comparable. ayant pour objectif de protéger l'environnement, elle n'aurait pas à être exigée des résidents. En effet, les résidents contribuent déjà à cet objectif via l'imposition générale.

La Cour rejette cet argument: il importe de prendre en considération les caractéristiques spécifiques de la taxe en cause. Dès lors, une différence de traitement entre les résidents et les non-résidents constitue une restriction à la libre circulation interdite par l’article 49 CE lorsqu’il n’existe aucune différence de situation objective, par rapport à l’imposition en cause, de nature à fonder la différence de traitement entre les diverses catégories de contribuables. Or, il n'y a pas de différences objectives entre résidents et non-résidents s'agissant des services d'entreprises de transports privés et de plaisance.

La Sardaigne soulève alors l'argument selon lequel cette entrave peut être justifiée par une raison impérieuse de protection de l'environnement. Au lieu de simplement écarté cet argument du fait qu'une telle raison ne peut justifier une mesure manifestement discriminatoire, la Cour utilise une périphrase  selon laquelle "la restriction à la libre prestation des services, telle qu’elle résulte de la législation fiscale en cause au principal, ne peut pas être justifiée par des raisons tirées de la protection de l’environnement dans la mesure où l’application de la taxe régionale d’escale qu’elle instaure repose sur une différenciation entre les personnes sans rapport avec cet objectif environnemental". En clair, des bateaux appartenant à des entreprises sardes polluent autant que les bateaux appartenant à des entreprises étrangères, pourquoi donc distinguer?

La Sardaigne soulève également l'argument de protection de la cohérence fiscale régionale. La Cour écarte également en réitérant son observation sur la situation des résidents et des non-résidents: la taxe régionale d’escale ne poursuit pas les mêmes objectifs que les impôts acquittés par les assujettis résidant en Sardaigne, lesquels visent à alimenter de manière générale le budget public et donc à financer l’ensemble des actions de la Sardaigne. "Le non-assujettissement à cette taxe desdits résidents ne saurait donc être considéré comme une compensation des autres impôts auxquels ces derniers sont soumis" (point 48).

Enfin sur les questions relatives à l'article 87, la Cour conclut que que l’article 87, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens qu’une législation fiscale d’une autorité régionale instituant une taxe d’escale, telle que celle en cause au principal, laquelle frappe uniquement les personnes physiques et morales ayant leur domicile fiscal en dehors du territoire régional, constitue une mesure d’aide d’État en faveur des entreprises établies sur ce même territoire.


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