Quand est tombée la dernière feuille,
quand il n’est plus resté, dans la forêt,
que des branches nues
et de grands troncs démunis,
quand les pluies de l’automne eurent effacé jusqu’au souvenir du bel été
et que dans les sentiers nos traces eurent disparu,
quand il n’est plus rien demeuré de ce lit de fougères
où nous nous retrouvions pour apprendre à nous connaître,
encore et encore,
quand la boue et le froid eurent transformé le sous-bois en marécage
tandis que des oiseaux migrateurs traversaient le grand ciel noir,
quand il n’y eut plus, pour habiter ces lieux,
que des bêtes inquiètes et sauvages, à la recherche d’elles-mêmes
et fuyant une horde de chasseurs sans cesse à leur poursuite,
quand dans l’immensité de la nuit les étoiles se furent évanouies,
occultées par les nuages, les lourds nuages d’automne,
quand il n’y eut plus, dans la forêt dénudée,
que la présence de la mort,
alors il fut difficile, oui, de croire en un autre printemps,
alors il fut difficile, assurément, d’imaginer que nos mains pussent encore s’effleurer
un jour.
Sentier trempé qui serpente dans la forêt profonde,
silence posthume des êtres qui y vécurent
souvenir des jours passés.
Je marche seul entre les troncs noirs et nus,
Cherchant celui que sans doute je fus.
Il pleut.
Sur le bord de la dernière feuille,
une goutte d’eau hésite un instant puis tombe
dans son propre néant.
Bruit sourd qui marque la fin d’un monde.
Je marche et la nuit envahit
la forêt d’automne
que même les chasseurs ont désertée.
Il ne reste que le silence et la peur de la mort.
Il ne reste que le silence.
Le silence.