La peur est ce que je déteste le plus au monde. Elle nous empêche de vivre pleinement: à cause d’elle, on se crée des barrières conscientes ou inconscientes à notre épanouissement.
Je suis plutôt une personne qui réfléchit intuitivement, dans l’instant, et qui prend les décisions de la même manière. Je n’ai absolument pas à me plaindre de ma vie, et généralement, je ne ressens pas la peur. Mais quand je suis à un tournant dans ma vie et que je prends le temps de vraiment me poser, un creux se crée au creux de mes entrailles et toute ma rationalité s’emploie à le faire fuir, mais parfois, il persiste.
Il persiste aujourd’hui. Cela fait six mois (déjà!) que je vis en Chine, à Changzhou, avec mon conjoint. Nous sommes arrivés ici pour le travail de mon homme, avec ma motivation pour mieux connaître la Chine en toile de fond. J’ai trouvé un poste d’enseignant ici, ce qui n’est pas mon domaine professionnel à la base. Et puis, une opportunité s’est présentée. J’ai accepté un nouvel emploi à Shanghai. Apprentissages et challenges. Nouvelle vie. Mon conjoint me soutient, et c’est énorme. Mais maintenant qu’une page est prête à se tourner, je ressens cette peur de quitter ce que je venais de construire ici, qui est aujourd’hui acquis; facile et agréable à vivre à la fois: on sait ce qu’on quitte, on ne sait pas ce qu’on trouve.
La peur de me perdre aussi dans ce nouvel environnement. Je vais être au centre de la machine économique chinoise, loin de la culture intellectuelle, mais proche du quotidien de beaucoup de Chinois. Serai-je fidèle à mes valeurs humaines, ne me laisserai-je pas dévorer par l’hyper capitalisme shanghaïen?
Aussi, la peur de changer et d’avoir du mal à rentrer en France. Ce nouveau travail inaugure une durée non déterminée. Ce n’est plus une parenthèse dans ma vie française que je vis ici mais bel et bien un nouveau chapitre que je m’apprête à écrire. Et mes proches laissés en France ont aussi leur vie qui continue, qui change. Aujourd’hui j’ai déjà parfois du mal à partager avec eux ce que je vis ici. Qu’en sera-t-il les mois et les années passant? De retour, arriverai-je à me ré-acclimater à ma vie d’antan? Il y aura-t-il une place pour ce nouveau moi dans leur vie?
Ces peurs sont, je l’espère, passagères, même si certaines questions fondamentales resteront dans un coin de mon esprit. Mais il est certain que seul l’avenir me permettra de combattre les premières et de répondre aux secondes…