Magazine Beaux Arts

Festin de printemps

Publié le 28 octobre 2007 par Marc Lenot

Nus et Désirs, photographies de Denise Bellon à la galerie Nuit d’encre, jusqu’au 30 Octobre.

C’est une photographe assez inclassable que j’ai découverte dans cette petite galerie également atypique. Elle fut surréaliste et “existentialiste”, photo-reporter et portraitiste. Certaines de ses photos sont d’une immense douceur, d’autres pleines de violence cachée. Cette exposition privilégie ses photos de nus, je ne vous en montrerai qu’une.

Un corps de femme (est-ce un vrai corps ? un cadavre ? une poupée gonflable ? ou un mannequin de celluloïd ou de papier mâché?) repose sur une table. Sa nudité ne se révèle pas vraiment, que ce soit dû à l’opacité de la tunique moulante qui la recouvre ou à un habile gommage photographique; ses yeux sont vides comme ceux d’une poupée, ses cheveux filasses en désordre. Sur la table, sous ses aisselles, entre ses jambes, s’accumulent des fruits en nombre. Ses mains sont dissimulées sous un régime de bananes, son sexe est couvert de raisins, des pommes font écho à ses seins, des noix caressent sa nuque. Le couvert est mis, au moins quatre convives, semble-t-il, deux bougies vont être allumées (serait-ce une veillée funèbre ?). Dans les cuillers retournées, on devine le reflet de la photographe.

En haut de la photo, à côté du pied d’un verre élancé, deux barres noires apparaissent derrière la table, à l’aplomb de l’assiette blanche : ce ne peut être que les jambes d’un homme, de l’Homme qui s’apprête à ce festin barbare. Ce n’est pas un rite exotique, comme celui-ci, mais c’est à la fois fascinant et horrifiant. Tous les échos surréalistes reviennent ici à la surface, parapluie et machine à coudre sur table d’opération. Mais que peut bien être ce froufroutement en haut à gauche, comme une fourrure ébouriffée ?  Serait-ce une tasse en fourrure ?

Denise Bellon, amie d’André Breton et proche des surréalistes, a photographié ici la performance avant la lettre, intitulée Das Frühlingsfest, organisée à Paris par Meret Oppenheim en 1959 dans le cadre de l’exposition E.R.O.S. (Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme) à la galerie Daniel Cordier (après un premier repas similaire à Berne); lire ici pages 15 et 16. Il y a quelques jours avait lieu, au milieu de cette exposition, la lecture publique des 120 journées de Sodome.

Photo courtoisie de la galerie Nuit d’encre (Dîner sur la femme nue de Meret Oppenheim (1959) © Denise Bellon)


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