Il nous quitte aujourd'hui. Les femmes lui doivent beaucoup mais ne le savent pas. Derrière les lois sur la contraception et les lois sur l’interruption volontaire de grossesse se cachent l’intelligence et le courage d’un homme.
Tout commence en 1925. Pierre Simon naît dans une famille israélite de Lorraine. Il passe les années de guerre caché sous des fausses identités pour échapper à la traque nazie et accepte d’être enfant de chœur chez un abbé qui le dissimule dans une institution de jeunes ouvriers catholiques. C’est aussi l’époque où ses proches sont décimés par la barbarie.
Puis vient le temps d’une longue quête spirituelle qui s’achève en 1953 sur un rivage franc maçonnique. Le grand parcours a été semé d’escales catholiques et protestantes.
La même année Pierre Simon, qui est alors gynécologue accoucheur, découvre l’accouchement sans douleur puis part étudier la physiologie pavlovienne en terre stalinienne. Le jeune médecin perçoit l’impact du social sur la physiologie obstétricale. Imprégné de cette philosophie qui deviendra pour lui peu à peu une certitude, l’homme s’oppose souvent au Conseil de l’Ordre des médecins. Du Commissariat au plan il est appelé dans les cabinets ministériels où il espère pouvoir transformer la société par le changement des lois. Féru de pluridisciplinarité, il passe le diplôme de fonctionnaire international en 1959.
Pierre Simon, s’intéresse successivement à la contraception, à la sexualité, à l’interruption volontaire de grossesse puis finalement à la procréation médicale assistée.
En 1968, la contestation est dans la rue. Pierre Simon prône la récupération sociologico-politique. Pour éviter la révolution violente, l’idéologie dominante doit intégrer la demande de liberté sexuelle. Discutée et élaborée en loge maçonnique, avant d’être votée par le parlement, la loi Neuwirth sur la contraception qu’il rédige, doit donner à l’être humain la maîtrise de sa fécondité. Dans la foulée, le fougueux gynécologue publie le fameux Rapport sur la sexualité des Français, que le ministre de la santé préface. Un vent de liberté flotte sur la France gouvernée par Pompidou…
Les lois sur l’interruption volontaire de grossesse qu’il prépare avant l’arrivée de Simone Veil, l’opposent parfois violemment aux intégristes catholiques. Qu’importe, Pierre Simon n’est pas homme à reculer sous la menace… Ses idées le portent comme il porte ses idées.
L’agitateur d’idée inaugure encore la réflexion sur la procréation médicalement assistée, avant de quitter les salons feutrés, creuset du pouvoir politique.
Jusqu'au bout l’ancien Grand Maître de la Grande Loge de France continuait d’observer les évolutions de la société. Témoin de la vie, accompagnant la modernité, il surfait sur Internet et participait aux débats du moment. Régulièrement invité à participer à des colloques, il était de temps à autre convié à s’exprimer sur des sujets insolites tels que : La fraternité est-elle soluble dans le marché.
Le regard de Pierre Simon s’illuminait à chaque proposition d’aventure nouvelle… Il était pas surprenant de le voir partir pour de nouveaux combats !
La dernière fois qu'il m'a reçu au 120 boulevard Saint Germain, il m'a proposé de rejoindre ses frères. Je lui ai répondu « Cher Pierre, avec toute l'estime que je vous porte, vous me faites une proposition que je peux refuser ! »