Un lecteur nous écrit

Publié le 20 novembre 2009 par Mtislav


Certains lecteurs répugnent à laisser un commentaire et nous adressent parfois quelques missives plus personnelles. Nous nous permettons de publier quelques lettres d'un de nos correspondant en hommage à tous ceux qui ont songé un jour à nous écrire et qui y ont renoncé.
* * *
Monsieur,
Je suis tombé sur votre petite bafouille ce soir. J’ai immédiatement regretté de ne pas avoir succombé cet après-midi à un terrible accident qui m’aurait épargné ce moment pénible.
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.
P.S. : par pitié, ne me répondez pas !
* * * 
Monsieur,
Je rectifie le contenu de mon message d’hier. J’ai lu ce que vous avez écrit aujourd’hui. Je suis au désespoir que cet accident ne vous ait pas été fatal.
Merci de surtout  ne pas répondre.
Veuillez agréer, Monsieur...
* * *

Monsieur,
Le sort vous ayant épargné, j’ai l’infortune d’avoir lu ce nouveau billet de votre fait aujourd’hui. Figurez-vous qu’alors que je me promenais en forêt cet après-midi, j’ai vu mon chien fourailler  derrière un arbre. J’ai pensé que vous vous trouviez là, caché, tapi, prompt à envahir jusqu’à ma promenade avec Codule. J’ai effectué quelques pas qui me séparaient de ce chêne. Derrière ce bel arbre, il n’y avait rien. Mon chien ne s’était donc pas trompé. Ce rien, c’était bien vous.
Veuillez agréer...
PS : Continuez à ne pas me répondre, c’est le seul soulagement que je peux attendre de votre part.
* * *

Monsieur,
Vos billets se suivent et me plongent dans une détestation obsédante. Aussi ai-je résolu de fréquenter un atelier de yoga proposant des exercices de relaxation. Votre billet de ce soir me pousse à prendre la décision de tout arrêter d’un coup. Le yoga, la méditation ainsi que toutes les techniques de maîtrise de soi ne sont pas en mesure de m’aider à évacuer les désastreuses impressions que me procurent votre lecture.
Veuillez...
PS : Votre dernière réponse était aussi inutile que cruelle.
* * *

Monsieur,
J’ai lu votre billet il y a à peine quelques minutes. Le facteur n’est pas encore passé aujourd’hui. J’ai hâte de recevoir ma facture de gaz, elle me procurera au moins la satisfaction de savoir que je peux en finir contrairement à vos élucubrations. Cessez de me torturer avec vos courriers.
* * *

Monsieur,
Je viens de lire votre dernier billet, encore une fois. Je suis à chaque fois saisi par l’espoir que ce soit bien le dernier. Inutile de vous dire que vous me décevez cruellement.
Votre lecteur qui vous déteste cordialement,
PS : Vous ne m’avez pas répondu. Auriez-vous un coeur ?
* * *

Monsieur, 
Quel espoir insensé vous me donnez aujourd’hui ! Je lis ces quelques phrases magnifiques. Quelle bonne idée de recopier la prose de quelqu’un d’autre ! L’idée que vous ayez faite vôtre  ne serait-ce qu’un instant ces nobles pensées m’indigne et m’écoeure.
* * *

Monsieur,
Je vous demande de renoncer à votre activité. Avez-vous songé au fait qu’on puisse vous lire ? Méditez cela je vous prie.
Je vous prie d’agréer, etc.
* * *

Monsieur,
Ce que je viens de lire de vous en ce jour aurait pu être drôle. Il faut que vous sachiez que ce n’est absolument pas le cas. Réalisez-vous à quel point votre ambition est consternante ?
* * *

Monsieur,
La modestie de vos intentions affichée dans votre billet de ce jour (notez que j’y vois mon influence...) aurait dû me réjouir. Malheureusement, celle-ci s’épanouit jusqu’à atteindre une vacuité désespérante.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ...
* * *

Monsieur,
Vous pensiez sans doute nous rafraîchir avec votre propos philosophique de ce jour. Si Cioran vous avait lu, ne doutons pas qu’il aurait différé son suicide pour ne plus penser qu’au vôtre. Sans compter les envies de meurtres que vous lui auriez procurées.
Partageant avec lui cet état, d’esprit, je vous prie d’agréer...
* * * 
photo : Jocelyn Wedge