Identité nationale et identité d'entreprise

Publié le 20 novembre 2009 par François Némo @ifbranding

 

Quelque chose ne fonctionne pas aujourd’hui dans le paysage politco-économique franco français. Ce fameux débat sur l’identité nationale est un véritable révélateur de notre position face aux évolutions du monde qu’elles soient politiques ou économiques (ce qui va de pair). De notre réponse face à cette question lancinante qu’on nous pose. Comment trouver sa place dans cette nouvelle relation que le monde nous impose ? Un exercice qui n’est pas des plus facile, sinon déroutant dans un environnement qui change tout à la fois de nature et de dimension. Mais la problématique n’est-elle pas d’abord relationnelle ? Celle d’intégrer de nouveaux entrants dans le cercle restreint des pays occidentaux. Sortir de cette bulle d’irréalisme qui nous laissait croire à l’avènement d’un monde postcommuniste dominé par l’ultralibéralisme et le droit-de-l’hommisme et dont nous serions les leaders. Le monde est désormais multipolaire et réclame haut et fort d’autres formes de rapports. Difficile à admettre après des siècles de domination. Nous dépendons désormais du monde extérieur. Comment répondre ?
Rapide tour d’horizon

Quatre grands blocs se préparent à l’affrontement économique. D’un côté l’Inde et la Chine, au centre le Brésil et à l’autre extrémité l’Europe et les États-Unis. Un duel peut-être pacifique mais qui nécessitera de solides « arguments » pour se faire entendre et défendre ses intérêts. Quels sont ces arguments ? Le hard power (monnaie et force de frappe) le soft power (cinéma, culture) et les smart power (l’intelligence de combiner les deux). Quelle sera l’issue de ce combat de Titans ? Peut-on déjà l’esquisser ? Les EU malgré leur évident déclin possèdent encore et pour longtemps les trois étages de leur force de frappe. Hard, soft et smart power. La Chine, son principal concurrent, est une handicapée chronique (et pour très longtemps) du soft power. On peut s’interroger sur l’énergie mentale de l’Europe et sa capacité à court et moyen terme de former une vraie puissance. Quant à la France au sein de cette Union, elle semble bien isolée depuis que son partenaire allemand, plus dynamique, oriente son regard vers la Russie, la Chine et les EU.
La France en panne de réponse
La preuve en est cet hallucinant débat sur l’identité nationale. Un débat où on y parle de Nation, de Marseillaise, une sorte d’inventaire à la Prévert où l’on mêle le politique à l'art de vivre. Nos clochers signent-ils notre identité ? Qu’est-ce que nous avons fait et qu’est-ce que l’on veut faire ensemble ? Est-ce notre art culinaire, nos cathédrales, nos paysages, notre agriculture ou notre industrie qui nous caractérisent ? La France ne se mesure pas au reste du monde, mais à la hauteur de ses clochers… La France se tourne vers son passé. La France regarde vers l’intérieur et se replie face au reste du monde. Nous ne sommes pourtant pas à court d’arguments, culture, intelligence, une système de valeurs issu de la Révolution et que le monde entier nous envie. Mais un système qui semble aujourd’hui plus étouffant que stimulant. Pourquoi ? Notre incapacité à en faire quelque chose avec les autres. Car n’est-ce pas d’abord du rapport à l’autre dont il est question dans une construction identitaire. L’altérité, la différence, la comparaison, l’accouchement de soi par l’autre. « L’occident doit être moins occidental et plus universel », nous dit Hubert Vedrine. Et nous sommes loin du compte avec notre fameux débat.
Le monde de l’entreprise
La problématique est similaire dans nos entreprises, et particulièrement avec les grandes. Des tempêtes dans un verre d’eau si l’on peut dire. On y assiste au même type de débat que celui lancé par notre ministre de l’Intérieur. Des crises intimes et dérisoires au regard des enjeux qui nous attendent. Au cœur de notre économie, les banques et les assurances sont une vieille industrie qui n’a pas renouvelé son offre depuis plus de vingt ans et qui ne semble pas en passe de le faire. Orange, Renault (quoique M. Ghosn semble avoir récemment changé de discours), s’épuisent sur leurs procédés technologiques et leurs techniques de vente sans comprendre que leur avenir est ailleurs (voir ma note sur France Télécom). Pour quelles raisons ? La principale étant à mon sens un manque de renouvellement des cadres dirigeants (qui n’ont aucun intérêt au changement), le système de cooptation et des grandes écoles qui elles-mêmes ont perdu le sens des réalités. C’est toute une chaîne de décisions qui prend ses racines dans nos stratégies et politiques de formation issues du XIXe et qui place encore le technicien et l’ingénieur (hard power) au cœur du savoir (cf les grands groupes), sans comprendre que la culture et la capacité de créer du sens (soft power) tend à devenir un enjeu majeur dans les rapports économiques. Un système fermé sur lui-même et sans vision du monde.
S’il y a aujourd’hui une ouverture possible, elle se situe du côté des PME qui sont, elles, à l’abri des problématiques de pouvoir. Leur bon sens et leur énergie pourrait faire un malheur si elles ne manquaient cruellement de moyens et d’outils pédagogiques pour se frotter aux nouveaux marchés.
L’histoire bien sûr tournera un jour, c’est la loi du genre. Mais dans combien de temps ? Je parie sur sept ou huit ans avant de voir sortir de nouvelles figures capables d’une synthèse et qui émergeront à coup sûr de la diversité, de celle qu’on a tant de mal aujourd’hui à accepter et à croire. Passer le relais, lâcher une partie de notre pouvoir, n’est-ce pas en fait la véritable problématique qui se cache derrière ce fameux débat sur notre identité nationale.