Un épais brouillard a recouvert le parc ce matin. J'ai voulu passer de l'autre côté, là où les poneys tristes attendent, dans une
silencieuse apparence d'indifférence. Mais je n'ai pas retrouvé l'espace entre les deux arbres. Moi, je ne sais pas attendre. Attendre, c'est risquer d'être repéré et devoir tout recommencer. Ailleurs.
Combien de fois déjà me suis-je laissé approcher? J'ai tant voulu croire à la promesse des mains qui se tendaient vers moi, à la douceur de la voix qui m'appelait. Un jour de grande
fatigue, et de faim si violente qu'elle me faisait battre le coeur, je me suis abandonné à des mains plus accueillantes que d'autres. J'étais alors une ombre des rues, sans gloire et sans aucun
charme. Celle qui m'accueillit ce jour-là, c'était Elle, celle que chacun d'entre nous ici rêve secrètement de rencontrer. Comment vous décrire la béatitude de ce moment d'abandon? Quelques
heures volées à mon incessante errance. Chez elle, repu, brossé, je m'imaginais vivre ainsi, toujours.
Mais l'enfermement, même avec bienveillance, n'est pas écrit dans le livre de ma vie. Et je me suis rendu impossible, désespérément impossible. Alors Elle m'a pris dans ses bras, je me souviens
encore de la tristesse dans son regard. J'aurai tant voulu moi-aussi avoir des bras pour la serrer contre moi.... Puis elle m'a déposé ici, dans ce parc, devenu mon univers.
Depuis, je suis comme les autres, je tue le temps en l'attendant. Et je me répète inlassablement les mots qu'elle prononça en me laissant dans une allée "N'oublie pas que, seule, ta beauté
ne peut te protèger".
Voilà pourquoi je vous le demande: "N'essayez pas de m'attraper! Même si j'ai l'air de le vouloir très fort. Je ne suis qu'un renard ordinaire".