Nicolas Sarkozy n'a jamais fait l'exégèse de l'oeuvre d'Albert Camus, peut-être ne l'a t'il tout simplement pas lu. Mais une chose est certaine, il souhaite voir ses restes entrer au Panthéon, et pour cela il s'est contenté de «vanter le non-conformisme de Camus par rapport aux élites françaises» pour justifier sa volonté.
Là où je voyais jusqu'à aujourd'hui un Homme anarchiste, libertaire épris de vérité et inexorablement attiré par le néant, Nicolas Sarkozy y voit lui, plutôt un "non-conformiste" façon défaut de cuirasse. Et gardez-vous bien de penser qu'il parle de Camus ! il parle évidemment de lui et de sa courtelinesque approche de la culture qui se doit d'être comparée à celle des élites bien entendu. Alors que je voyais du génie chez Albert Camus, le président n'y voit qu'un talon d'Achille.
Mais de quelles élites parle donc Nicolas Sarkozy au juste ?
Nicolas sarkozy parle avec ses mots à lui "des sachants" bien entendu: ce sont ceux qui ont étudiés, ceux qui ont un capital culturel que lui ne possède pas. Et en cela "ces sachants" sont dangereux puisqu'ils ne réagissent, pas tous, comme le commun des mortel au processus de stimuli pression/humiliation qui doit de toute évidence engendrer la soumission - Soumission à sa volonté, soit dit en passant - Il y' aurait donc des "sachants" dans la nature capables de ne pas suivre sa volonté de fer. Allez donc les lui chercher, diantre!
Las, force est de constater que ce combat là ne se gagne qu'avec des mots et un peu de culture, et celle-ci ne peut être achetée chez Géant-Casino. C'est précisément dans cette catégorie là que je classerais Albert Camus: celle des "hommes révoltés" inaliénables. La boucle est bouclée, sous ses faux airs d'Humaniste, Albert Camus a été un redoutable philosophe, il est resté cependant inclassable, puisque sa chapelle n'était que celle de l'Homme athé dévêtu de son impuissance originelle. Il est donc un "sachant" de première, et il se classe naturellement au sein de cette "élite", et au tout premier plan qui plus est.
Albert camus est le meilleur symbole de la gauche intemporelle
Je fais partie de ceux qui ont été irradié par la chaleur et la permanence du soleil de "L'étranger" au travers des pages de ce livre, je devait avoir 17 ans. Je me suis senti alors confronté à une force rare et déroutante qui m'affectait physiquement pour la toute première fois: une espèce de candeur inquiétante qui chauffait mon corps et mon esprit. J'ai donc été sous l'emprise de cette force puissante qui relie un lecteur à un auteur. Cette force-là a été également capable de forger la pensée de l'adolescent que j'étais. j'ai ensuite seulement découvert le reste de son oeuvre.
Il est d'ailleurs étrange de voir ce titre phare d'Albert Camus: "l'étranger" revenir sur le devant de la scène aujourd'hui. Ce livre étant aux antipodes du chassez-croisé pré-électoraliste dont se drape officieusement le débat actuel sur l'identité nationale.
Nous souhaitons donc célébrer "l'étranger" au moment même où ce débat sur l'identité nationale se déploie. Ne nous trompons pas au sujet de cette mise en scène, elle n'est là que pour stigmatiser davantage encore "cet étranger" qui frappe à notre porte.
Conseil à la famille d'Albert Camus
Albert Camus fait indubitablement partie de notre patrimoine. Il est, de plus, un des écrivain qui symbolise le mieux l'intégrité et la probité au sens Humain du terme. Albert Camus a bien sa place au Panthéon, même si je ne suis pas persuadé que l'universalisme dont cette institution est porteuse lui ait été agréable.
Mais de grâce, ne laissez pas votre aïeul, notre aïeul, devenir le énième porte-Flambeau du combat politique de ce chef de l'état. Ce combat n'a jamais été le sien, cette instrumentalisation trahirait sa mémoire, et cela personne n'en veut. Attendez donc un président plus respectable pour envisager une telle perspective.