Depuis que ce blog existe, l'un des mes critères essentiels, ou principes, ou orientations, est l'efficacité : il faut d'abord battre la droite et prendre le pouvoir avant d'imaginer un monde idéal ou toutes les injustices seront réparéées. En même temps, je pense que cette "prise de pouvoir" (j'ai l'air d'un trotskyste, je sais), ne passe par une sorte de mollesse centriste, gauche-libérale-plutôt-presque-la-droite. Cette stratégie, qui a l'air merveilleuse sur le papier, quand on dit qu'on va prendre tous ces électeurs qui hésitent à voter pour l'UMP, justement en ressemblant le plus possible à l'UMP. Non seulement la gauche se fracasse en mille morceaux dans ces conditions (« c'est quoi ce P"S" !?! »), mais sa capacité à faire avancer des idées est anéantie. C'est un message qui doit gagner. Faute de quoi, on aura beau ajouté tous les pourcentages... Et un message que tout le monde peut comprendre : Sarkozy a gagné en 2007 parce qu'il a réussi à battre le PS dans les milieux populaires...
Donc... donc... après tout ça... j'en arrive à ce que je voulais dire. Enfin, presque. Le weekend dernier nous avons eu droit au grand déballage d'EAG, Espoir à Gauche (et pas En Avant Guingamp, comme le souligne Nicolas J), tempête dans un verre d'eau qui a pris des dimensions médiatiques de tsunami. Je parlerai de tout cela dans un prochain billet encore plus désespéré que celui-ci.
Donc... devant ce spectacle, ce commentaire de Martine Aubry :
«Le PS que je connais, c'est celui qui travaille», a-t-elle déclaré mercredi à la presse avant de s'adresser aux élus socialistes réunis à déjeuner, en marge du congrès des maires. «Ces milliers d'élus qui travaillent pour les Français tous les jours (…), ces sénateurs qui se sont battus contre la privatisation de La Poste la semaine dernière, ces députés qui se sont battus contre la fiscalisation des revenus des accidentés du travail et pour défendre la Sécurité sociale », a-t-elle martelé.
Le travail. Ah, le travail. C'est bien de travailler. Plutôt que de pavaner dans les médias. Un PS qui bosse, c'est un PS qui... bosse. En silence, paraît-il. La Première Secretaire cite trois exemples de ce travail :
- lés élus qui travaillent tous les jours ;
- les sénateurs opposés à la privatisation de La Poste ;
- les députés opposés à la fiscalisation des revenus des accidentés du travail.
Évidemment, le travail en question est soit la gestion locale (les heureux élus de tous les jours), soit des combats nationaux d'opposition pure aux mesures de Sarkozy. C'est bien de s'opposer, bien entendu. Mais ce n'est pas ce travail là qui va, comment dire, donner espoir à la gauche. Ah, vous me direz, le travail de programme continue en même temps. Mais où ? Il n'y a aucune communication là-dessus. L'impression est que, s'il y a du « travail » dans ce domaine, il est plutôt technique : fignoler des propositions qui, une fois passées dans la moulinette médiatique des résumes de sept secondes à la radio ou de trois phrases à la télé, ne laisseront que peu de trâces dans le grand cerveau collectif. (Imaginez le décalage en termes de temps de cerveau disponible entre l'intégralité de ces travaux depuis le Congrès de Reims, et la question de jeu de mains de Thierry Henry.)
Bref, gagner ne dépend pas du choix d'un programme idéal qui, par son extrême finesse satisferont à peu près tout le monde, ou déplaira autant aux uns qu'aux autres. Il faut, au contraire :
- communiquer (occuper l'espace médiatique et l'imagination populaire) ;
- avancer une ligne, une pensée qui soit facile à comprendre
- le faire maintenant, pas à trois mois d'une élection présidentielle.
Le régime présidentiel ne récompense pas le travail de fourmi, les bosseurs méritants qui rendent des bonnes copies. Les français votent pour des images, des perceptions (« sympa, pas sympa ? ») ; une éventuelle victoire devra passer par une coordination entre les images et un message réel (pas seulement un slogan de marketeux).
Dans ce billet je fais comme si c'était possible pour le PS, en l'état actuel, de réussir à faire tout cela. Je n'ai pourtant pas touché au Beaujolais ce soir, même si parfois on ne voit pas d'autre issue.